Fortement relayés par les médias et surtout par les réseaux sociaux, les régimes d’exclusion débordent des rayons alimentaires pour investir les modes de vie, avec les « sans-se-laver », « sans-s’habiller »… Le même scénario attire à chaque fois des foules d’adeptes : haro sur un produit, une substance, un comportement, qui empêcherait de bien vivre. Enjeu : se soigner individuellement, en dehors des chemins médicaux scientifiquement balisés. « Le Quotidien » propose un état des lieux de ces « sans-sans », en deux temps : intox/détox.
Intox à tous les aliments ?
Assurément, c’est le plus radical des régimes sans. Et le plus vieil aussi, pratiqué depuis la nuit des temps : dès l’Antiquité, les médecins associaient le jeûne au traitement de nombreuses pathologies : Asclépios, dieu grec de la médecine, avait deux filles, Panacée, qui soignait par le médicament, et Hygie, qui privilégiait l’hygiène de vie avec des séquences de jeûne pour « détoxifier » l’organisme.
Les religions monothéistes ont pris le relais avec le Yom Kippour (judaïsme), le carême (christianisme) et le ramadan (islam), associant jeûne, prière et aumône, tandis que la médecine moderne prenait ses distances avec le jeûne supposé thérapeutique.
Aujourd’hui cependant, on assiste à son retour en force, avec la vogue, depuis quelques années, des stages « Jeûne et rando » qui, en France, attirent par milliers des adeptes, chaque été plus nombreux. Pionnier de cet engouement, un ancien professeur de gym, Gilbert Bölling, promet « la libération du corps de ses tâches digestives, pour lui permettre de se nettoyer en puisant dans ses réserves ».
Les séquences de jeûne, selon les adeptes de l’exercice, feraient baisser les niveaux d’insuline, augmenter les niveaux de l’hormone de croissance, élimineraient les déchets, élèveraient les défenses immunitaires, diminueraient le risque de diabète de type 2, réduiraient le stress oxydatif, amélioreraient leur santé cardiovasculaire et préviendraient la maladie d’Alzheimer. Bref, jeûner par intermittence prolongerait la durée de vie – et de vie en meilleure santé.
Evidemment, cet argumentaire mirifique reste largement à valider scientifiquement. Quelques études ont été publiées en oncologie, comme, en 2012, celle du Dr Valer Longo, qui a montré que la combinaison de cycles courts de jeûne avec une chimiothérapie pouvait favoriser la guérison du cancer. Des travaux sur les souris ont enregistré des taux de 40 % de guérison grâce à cette méthode, alors que la chimiothérapie seule n’avait plus de bénéfice. Et même sans chimiothérapie, le jeûne retarderait le développement d’un cancer du sein, d’un mélanome, ou d’une tumeur du cerveau – des résultats produits à ce jour uniquement sur des souris.
Mais il n’en faut pas plus aux adeptes de la détox et de la régénération par le jeûne pour croire aux effets d’Hygie. Une démarche qui peut être mystique, comme une voie possible d’accès à la transcendance, observe le directeur du CERN (centre d’enseignement et de recherche en nutrition humaine), Bernard Schmitt, ou comme l’expression d’une simple volonté de prendre soin de soi, de réformer son hygiène de vie, dans un souci ascétique.
Détox
Les arguments des jeûneurs sont scientifiquement faibles, conclut une thèse soutenue en 2012 par le Dr Jérôme Lemar, après avoir passé au crible la bibliographie médicale sur le sujet. Il relève que « la majeure partie (des bénéfices supposés) du jeûne thérapeutique relèvent de la croyance non scientifiquement prouvée ». Certes, des études montrent quelques effets sur la polyarthrite rhumatoïde, le syndrome de l’intestin irritable, ou le cancer, mais, prévient le Dr Lemar, des protocoles peu conformes et de nombreux biais empêchent de prendre leurs résultats au sérieux.
« L’organisme a besoin de prises alimentaires toutes les six ou sept heures, souligne en effet le Pr Jean-Marie Bourre, au-delà de cette durée, il va puiser des acides aminés dans les muscles, occasionnant nausées, maux de tête et de ventre, crampes, essoufflements, palpitations qui peuvent entraîner des troubles du rythme et conduire parfois au décès. » « Pour l’élimination des toxines, comme elles sont stockées dans les tissus adipeux, relève le Pr Jean-François Toussaint, il est peu probable que jeûner, même de manière prolongée, puisse les éliminer. »
« En fait, dénonce le Pr Jean-Michel Lecerf, le jeûne représente le summum et la pire des modes qui instrumentalisent aujourd’hui le public contre tous les principes de la nutrition et de l’équilibre diététique. C’est une croyance déviante issue des traditions religieuses, des traditions qui ont souvent mis en garde contre les dangers de ses excès. »
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