Il n’existe ni définition consensuelle du syndrome de renutrition inappropriée (SRI), ni études de prévalence. « Chacun comprend que le SRI correspond à l’ensemble des manifestations cliniques et biologiques délétères survenant à la réintroduction d’apports énergétiques chez un sujet sous-nourri de façon prolongée, indique le Pr Lescot. Quant à sa prévalence, elle est approchée par analogie avec les hypophosphatémies en réanimation, lesquelles pourraient être en rapport avec un SRI. Dans certaines séries, elles touchent 30 % des patients ».
Le SRI peut être le fait d’anorexiques ou grévistes de la faim qui reprendraient brutalement une alimentation orale. Plus fréquemment, il survient lors de la réintroduction d’une nutrition entérale ou parentérale chez un patient dénutri hospitalisé (réanimation, chirurgie digestive…).
Le jeûne épuise en 24 à 36 heures les réserves en glycogène. Le métabolisme normal (anabolisme, glycogénèse) cède la place à un métabolisme basal dégradé, adapté au jeûne(catabolisme, lipido-protéique, néoglucogénèse). La réintroduction d’apports énergétiques soudaine et en quantité importante après un jeûne prolongé, provoque un retour brutal au métabolisme normal avec sécrétion massive d’insuline. S’ensuit un transfert intracellulaire de glucose et d’ions (PO43-, K+, Mg++), une rétention hydrosodée et un déficit en thiamine. La phosphatémie, la kaliémie et la magnésémie s’effondrent. Elles s’étaient maintenues dans des valeurs normales pendant le jeûne au prix d’une profonde déplétion intracellulaire.
Les désordres biologiques (hypophosphatémie, hypokaliémie essentiellement) sont les premiers signes du SRI. Ils font la gravité de la maladie. Rappelons le rôle majeur des phosphates dans les mécanismes énergétiques cellulaires (ADP, ATP). L’effondrement conjugué des stocks de phosphates et de la phosphatasémie est rapidement suivi d’une symptomatologie pouvant engager le pronostic vital : anasarque, symptômes neurologiques (paresthésies, convulsion, confusion, coma), cardiovasculaires (troubles du rythme, hypotension, arrêt cardiaque…), respiratoires (faiblesse musculaire, insuffisance respiratoire aiguë).
Identifier les patients à risque
Le Pr Lescot rappelle qu’« une poche classique de nutrition parentérale de 2 litres contient environ 250 grammes de glucose, autant que 5 litres de sérum glucosé à 5 %. Toute renutrition doit adapter la cible énergétique à l’état du patient (sujet peu agressé : 30-35 kcal/kg/jour ; sujet agressé : 25-30 kcal/kg/jour) ; sujet à risque de SRI : 10 kcal/kg/jour) ».
Avant toute renutrition, il faut identifier les patients à risque de SRI. En l’absence de conférence de consensus, le Pr Lescot invite à retenir : « la présence d’au moins un des critères suivants : IMC bas (‹16 kg/m2), perte non intentionnelle de poids (amaigrissement›15-20 % en 3 à 6 mois), apports énergétiques négligeables pendant 10 jours ou plus, hypokaliémie, hypophosphatémie ou hypomagnésémie ».
Start low & go slow… & check !
Chez les patients à risque, le Pr Lescot invite à « mettre en œuvre un schéma empirique de renutrition qui repose sur l’expérience de nombreux médecins nutritionnistes et permet dans la très grande majorité des cas, d’éviter le SRI »:
- Débuter à 10 kcal/kg/jour ;
- Doser tous les jours la phosphatémie, la kaliémie et la magnésémie. « Cela permet de dépister le SRI avant la survenue des complications des troubles métaboliques », insiste le Pr Lescot.
- N’augmenter la cible énergétique (progressivement, de 5 kcal/kg/jour tous les 3 à 6 jours) que si les concentrations ne baissent pas (sinon patienter, corriger les désordres métaboliques et, si besoin, réduire les apports) ;
- Ne pas oublier de supplémenter tous les jours en phosphate, potassium, magnésium et en vitamines, notamment vit B1 en prévention des encéphalopathies de Gayet Wernicke.
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