Phytoestrogènes et santé

Une action complexe

Publié le 22/10/2010
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Crédit photo : BSIP

De nombreuses plantes sont riches en phytoestrogènes. Les isoflavones sont présents dans le soja, le trèfle, la luzerne, le kudzu ; le houblon est riche en 8-prenyl naringénine et le lin, les céréales et certains fruits et légumes contiennent de l’entérodiol. La consommation de ces aliments peut apporter, selon les molécules, de quelques microgrammes à plusieurs dizaines de milligrammes de phytoestrogènes par portion. Les effets de la consommation de phytoestrogènes sur la santé sont divers et, aujourd’hui encore, partiellement évalués. Si la physiologie ces effets estrogéniques est actuellement mieux connue, elle se révèle particulièrement complexe, faisant intervenir de nombreuses voies de signalisation.

Teneurs variables en isoflavones

L’observation initiale d’effets bénéfiques de la consommation de soja sur la santé chez des populations asiatiques a contribué à promouvoir cet aliment dans les pays occidentaux. Cependant, il existe des différences importantes de pratiques alimentaires. En Asie, si la consommation de soja est habituellement plus importante qu’en occident, elle n’en reste pas moins modérée, représentant moins de 10 % du bol alimentaire. Le soja est, de plus, essentiellement consommé sous forme solide ou fermentée, dont le mode de préparation contribue à éliminer une part significative des isoflavones. Chez les nourrissons, le soja n’est introduit que très progressivement lors de la diversification alimentaire. En Occident, les formes les plus consommées sont des produits à base de soja conservant des teneurs élevées en isoflavones. Le marché des compléments alimentaires à base d’extraits de soja, dont la teneur n’est pas toujours bien précisée, est également en pleine expansion. La consommation de soja concerne aussi certains nourrissons au travers des formules infantiles.

Le risque de surexpositions aux isoflavones est donc paradoxalement beaucoup plus élevé en Occident qu’en Asie. Plusieurs cas de troubles gynécologiques ont été observés chez des patientes ayant une surconsommation de soja, les troubles s’amendant lors de l’arrêt de celle-ci. Chez les nourrissons, les données disponibles ne permettent pas de conclure formellement à un effet négatif des formules à base de soja, mais la suspicion d’une action à long terme sur le développement des caractères sexuels secondaires et la fertilité a conduit les Sociétés de pédiatrie à ne les recommander qu’en cas de galactosémies ou de déficiences en lactase.

Chez l’adulte

Concernant les effets bénéfiques de la consommation modérée de phytoestrogènes chez l’adulte, la littérature est aujourd’hui abondante mais parfois contradictoire. Si dans les cancers de la prostate, l’ensemble des études va dans le sens d’un effet plutôt protecteur, les données concernant les cancers du sein sont plus controversées. Il semblerait qu’il existe un effet protecteur en cas de prise régulière prise d’isoflavones depuis l’enfance, alors qu’un effet prolifératif est plutôt observé in vitro. Cette dualité nécessite la réalisation d’études de cohortes sur le long terme afin de renforcer l’hypothèse d’un effet préventif des isoflavones consommés en quantité modérée depuis l’enfance, par une action continue sur les cellules saines, associée à un effet prolifératif à court terme sur des cellules tumorales déjà transformées. C’est pourquoi l’AFSSAPS déconseille la consommation d’isoflavones chez les femmes ménopausées ayant des antécédents personnels ou familiaux de cancers du sein et n’ayant jamais pris de soja de façon modérée et régulière.

Concernant la prévention du risque ostéoporotique, là encore, les données divergent selon s’il s’agit d’études épidémiologiques réalisées en Asie ou en Occident. Les études observationnelles japonaises indiquent une réduction du risque qui n’a pu être confirmé dans les études occidentales ; et aucune étude interventionnelle d’envergure n’a jusqu’à présent été menée sur une durée suffisante (plus de 20 ans) pour conclure de façon définitive.

D’après « phytoestrogènes et santé : bénéfices et inconvénients », Catherine Bennetau-pelissero, lettre scientifique de l’Institut français pour la nutrition n° 143, avril 2010.

Dr Camille Cortinovis

Source : Nutrition