Article réservé aux abonnés
Dossier

Congrès

Otites séreuses, la société française d'ORL recadre les pratiques

Par Dr Maia Bovard Gouffrant - Publié le 04/11/2016
Otites séreuses, la société française d'ORL recadre les pratiques

Ouverture
PROF. TONY WRIGHT, INSTITUTE OF LARYNGOLOGY & OTOLOGY/SPL/PHANIE

Il en est des otites comme de nombreuses pathologies déjà plutôt bien contrôlées avant l'ère des grands essais cliniques : leur prise en charge a continué leur petit bonhomme de chemin sans être vraiment remise en question. De tables rondes en recommandations, la SFORL a fourni beaucoup d’efforts lors de son congrès annuel pour recadrer les pratiques dans ces pathologies courantes.

À force de banalisation, la prise en charge de l’otite séreuse moyenne a-t-elle connu des dérives, avec un excès de pose de yoyo (ou aérateurs trans-tympaniques –ATT-) sans explorations préalables ? A l’occasion de son congrès annuel, la société française d' ORL (SFORL) a mis le sujet sur la table et propose une feuille de route pour recadrer les pratiques.

Selon une enquête de la CNAM, il existe une très grande hétérogénéité sur le taux de pose d’ATT rapporté au nombre d’enfants en fonction des régions. Encore plus surprenant, l’enquête a constaté que globalement avant 18 ans, la pose d’ATT n’a été précédée d’une audiométrie que dans 35% des cas, et l’audition vérifiée ensuite que chez 33% des patients. Un constat pour le moins étonnant, alors que l’un des objectifs de l’intervention est justement d’améliorer l’audition. Dans la petite enfance, ces chiffres pourraient s’expliquer par la difficulté à réaliser un audiogramme, bien qu’avec de la patience et du temps il soit souvent possible dès 3 ans. « Mais cet argument ne tient plus pour les enfants plus grands qui ne sont pourtant guère mieux lotis » s’étonne le Pr Michel Mondain (Montpellier).

Un risque pour l’audition


L’OSM se définit par la persistance d’un épanchement au-delà de trois mois d’évolution, Elle est fréquente, mais son incidence réelle reste inconnue, du fait de son caractère volontiers asymptomatique. On l’estime entre 15 à 40% pour les 1 à 5 ans. Le taux de résolution spontanée est variable, d’autant plus important que l’enfant est plus âgé. Elle est cependant susceptible de se compliquer d’une atteinte auditive généralement légère à moyenne mais survenant à une époque critique pour le langage avec retard des acquisitions scolaires et altération de la localisation spatiale. L’OSM peut aussi se compliquer d’OMA récidivantes, plus rarement d’atrophie tympanique avec risque d’évolution vers une poche de rétraction tympanique qui peut à son tour évoluer vers le cholestéatome.

Dans ce contexte, la pose d’ATT peut se justifier mais uniquement dans certaines conditions. En l’absence de recommandations françaises sur le sujet, la SFORL a analysé la littérature pour savoir ce qu’on peut attendre de la pose d’ATT et des autres traitements de l’OSM et en préciser les indications.

Quels bénéfices pour les yoyos ?


L’analyse de la littérature montre que la pose d’ATT améliore l’audition, mais encore faut-il l’évaluer. A ce titre, « l’audiométrie éventuellement complétée par une tympanométrie confirmant l’existence de l’épanchement retro-tympanique est indispensable», rappelle le Dr Martine François(Hôpital Robert debré, Paris). L’impact sur les troubles du langage est plus difficile à mettre en évidence mais on constate assez rapidement une amélioration de l’expression et de la compréhension. L’ATT prévient la réapparition de l’épanchement séro-muqueux et sa durée.

Second objectif  de la pose d’ATT : le contrôle des récurrences d’OMA (définies par au moins 3 épisodes sur 6 mois ou 4 épisodes en un an), qui interfèrent avec la qualité de vie de l’enfant (et de sa famille !) et nécessitent des antibiothérapies répétées (voir les recos). « Plusieurs études suggèrent que la pose d’ATT offre des avantages significatifs pour prévenir les récidives d’OMA et améliorer la qualité de vie », souligne le Pr Emmanuel Lescanne  (Hôpital Bretonneau, Tours).

Elle ne permet pas en revanche de prévenir l’évolution de l’OSM vers une atrophie tympanique ni le passage de celle-ci vers une poche de rétraction tympanique mais pourrait limiter le risque de survenue d’une otite moyenne chronique cholestéatomateuse.

En termes de sécurité, les complications de la pose d’ATT sont rares et généralement mineures: obstruction de l’aérateur, otorrhée, granulation, migration de l’ATT dans la caisse (la migration dans le conduit
est le mode d’expulsion normal de l’ATT), perforation résiduelle ou sclérose tympanique plus rarement. Les épisodes d’otorrhée sont majoritairement liés à des contaminations par le conduit auditif externe et bien contrôlées par des traitements locaux. Globalement, le bénéfice est donc supérieur au risque encouru.

Au vues de ces données, les experts recommandent la pose d’ATT dans l’OSM avec perte de plus de 30 dB sur la meilleure des deux oreilles (par atteinte de transmission ou par surdité mixte ) associée à un retard d’acquisition du langage, en cas de rétraction de la moitié supérieure du tympan ou d’OMA à répétition chez l’enfant de moins de 3 ans.

Peu d’alternatives thérapeutiques


L’ATT est d’autant plus intéressant que les divers traitements médicaux proposés n’ont pas fait la preuve de leur efficacité, ni sur la résolution de l’OSM ni sur l’audition, qu’il s’agisse des anti-histaminiques, des vasoconstricteurs, de la corticothérapie orale ou nasale. Quant à l’antibiothérapie au long cours, non seulement elle n’a aucun impact sur l’OSM ni sur l’hypoacousie. L’insufflation tubaire pourrait être efficace chez l’enfant de plus de 4 ans s’il est compliant, on manque de données sur l’aérosolthérapie ou la crénothérapie.

Enfin, l’adénoïdectomie, a un rôle potentiellement protecteur vis-à-vis de l’OSM. Elémentaire mais les recommandations de la SFORL ont jugé bon de le repréciser: l’adénoïdectomie améliore le contrôle de l’OSM après 4 ans et doit être associée à la pose d’ATT avant 4 ans ….lorsqu’il existe une hypertrophie adénoïdienne …. !