Pourquoi les enfants et adolescents présentent-ils des formes moins graves d'infection par le coronavirus SARS-CoV-2 ? Ce phénomène pourrait s’expliquer, au moins en partie, par des différences dans la réponse immunitaire.
Pour explorer cette hypothèse, une équipe américaine a comparé les réponses immunitaires (cytokines, humorales, cellulaires) chez 60 adultes et 65 enfants et jeunes adultes de moins de 24 ans hospitalisés pour Covid-19 entre mi-mars et mi-mai dans le centre médical Montefiore à New York.
Lors d'une infection par le nouveau coronavirus, les enfants sont en effet peu symptomatiques et progressent moins souvent vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). Leur mortalité reste faible, même dans les rares cas de survenue d’un syndrome inflammatoire multisystémique (MIS-C).
Les résultats de l'étude publiée dans « Science Translational Medicine » confirment que les enfants ont une maladie plus légère et un moindre risque de ventilation mécanique (8 % contre 37 %) et de mortalité (3 % contre 28 %) ; aucun décès n’est survenu parmi les 20 enfants ayant un MIS-C.
Des cytokines protectrices
Les chercheurs ont découvert que les taux sériques de deux cytokines, l'interleukine-17A (IL-17A) et l'interféron-gamma (IFN-gamma), étaient plus élevés chez les enfants et inversement corrélés avec l’âge. « Ceci suggère que l'IL-17A et l'IFN-gamma, ou bien les cellules qui les produisent, contribuent à la protection immunitaire, en particulier contre la maladie pulmonaire », précise au « Quotidien » la Dr Betsy Herold, cheffe du service des maladies infectieuses pédiatriques à l’Albert Einstein College of Medicine (Bronx) et co-signataire principale de l’étude avec son mari, le Dr Kevan Herold, immunologiste à l’université de Yale (New Haven). « Bien que ces deux molécules soient produites par les cellules T, elles sont aussi sécrétées par les cellules de l’immunité innée et nos études suggèrent que ces dernières sont probablement la source de ces cytokines protectrices chez les enfants », souligne la pédiatre immunologiste.
Et d'autres pro-inflammatoires
Les auteurs ont également constaté que les patients dont l'état s’aggrave ont des taux élevés de cytokines pro-inflammatoires telles que l'IL-6, indépendamment de l'âge. « Les enfants et les adultes produisent des réponses anticorps contre la protéine virale Spike, poursuit-elle. Cependant, les enfants avaient des taux plus faibles d'anticorps neutralisants et d'anticorps tueurs via la phagocytose dépendante des anticorps, une fois prise en compte la quantité totale d'IgG spécifiques de Spike. Il reste à préciser dans de futures études si cette activité phagocytaire accrue contribue à l'inflammation. Enfin, les adultes ayant une forme sévère et nécessitant une ventilation avaient les taux d’anticorps neutralisants les plus élevés ».
Dans l’ensemble, ces résultats suggèrent que les enfants développent une meilleure réponse innée au virus, laquelle pourrait protéger contre une réponse inflammatoire exagérée et prévenir ainsi une maladie pulmonaire progressive et le développement du SDRA. « Ce qui laisse penser que le renforcement des réponses immunitaires innées tôt dans la maladie pourrait être bénéfique », précise au « Quotidien » la Dr Betsy Herold.
Des implications pour les thérapies et les vaccins
Ces résultats suggèrent que la forme la plus grave de Covid-19 observée chez les adultes n'est pas causée par une défaillance de leur immunité adaptative pour produire des réponses humorales ou cellulaires T. « Les patients adultes infectés par le SARS-CoV-2 produisent plutôt une réponse immunitaire adaptative trop vigoureuse qui pourrait favoriser l'inflammation associée au SDRA », indique dans un communiqué le Dr Kevan Herold.
« Nos patients adultes gravement affectés par le Covid-19 présentaient des taux élevés d'anticorps neutralisants, ce qui suggère que le plasma de convalescent — riche en anticorps neutralisants — pourrait ne pas aider les adultes ayant déjà développé des signes de SDRA, ajoute la Dr Betsy Herold. En revanche, les thérapies stimulant les réponses immunitaires innées en phase précoce pourraient être particulièrement bénéfiques ».
Quant aux vaccins, la Dr Betsy Herold rappelle que la plupart des vaccins candidats contre le SARS-CoV-2 visent à stimuler les taux d'anticorps neutralisants. « Nous aurions peut-être intérêt à évaluer des vaccins qui améliorent l'immunité d’une autre façon, par exemple en renforçant la réponse immunitaire innée », propose-t-elle.
C. Pierce et al., Sci Transl Med, 2020. doi:10.1126/scitranslmed.abd5487
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