« Les goûts évoluent en fonction de l’âge, du plus simple : le sucré, très apprécié dès la naissance, aux plus complexes, comme le salé, l’amer ou l’acide. Aujourd’hui, on observe chez les adultes un détournement, avec de moins en moins d’appétence pour l’amer, une certaine paresse à la découverte de nouveaux goûts, une difficulté à aller vers des saveurs difficiles », souligne le Dr Jean-Philippe Zermati, nutritionniste, cofondateur et président d’honneur du GROS (Groupe d’observation sur l’obésité et le surpoids).
En partant de ce constat, les experts sont unanimes : il faut éveiller le goût des enfants dès leur plus jeune âge, afin qu’ils puissent expérimenter des aliments variés et s’ouvrir à des goûts complexes. Les coutumes et la culture des parents mais, aussi, le rôle joué par l’école (via la restauration scolaire, par exemple) orientent le goût des enfants une fois adultes. « Le fait d’avoir eu la chance de s’intéresser, très tôt, à des aliments aux goûts variés permet d’obtenir une bonne diversité nutritionnelle », précise le Dr Zermati.
Au-delà des parents, d’autres acteurs ont un rôle à jouer pour favoriser l’éducation au goût des enfants. « Tout éduque : la culture, les mots, les habitudes transmises de manière volontaire ou involontaire. Les frères et sœurs, les pairs éduquent l’enfant, ouvrent son répertoire sensoriel. Je préfère parler de socialisation alimentaire plutôt que d’éducation alimentaire », note Valérie Adt, sociologue et membre du groupe alimentation du Centre Edgar Morin (EHESS-CNRS).
Enseignants et cantines scolaires.
À l’école, les professeurs - toutes disciplines confondues - peuvent, durant certains cours, sensibiliser leurs élèves au goût et à l’équilibre alimentaire. Certains établissements ont déjà mené des expériences dans ce sens. « Les leçons de goût que nous avons lancées émanent d’un partenariat majeur que nous avons avec l’Éducation nationale. Nous avons créé un référentiel pour les enseignants des classes de cycle 3 (CE2, CM1 et CM2), disponible sur le site du ministère. Dans 6 régions, nous avons développé un programme pilote : 8 séances qui vont des origines des produits, à la qualité, en passant par les étiquetages. Nous l’avons évalué, puis proposé dans le cadre des formations d’enseignants. Nous accompagnons le déploiement de ces leçons de goût dans les divers établissements de France. Nous devons aller au-delà du contenu de l’assiette. L’éducation au goût doit donner des clefs aux jeunes pour apprendre à s’alimenter de façon équilibrée », indique Paul Mennecier, chef de service de l’alimentation à la direction générale de l’alimentation (DGAL) du ministère de l’agriculture.
Le même type d’initiatives a été mené en Haute-Normandie. « À Harfleur, nous avons créé des classes du goût qui se déroulent sur toute l’année scolaire, où les enfants vont du potager au repas gastronomique, organisé par le lycée hôtelier voisin. Nous travaillons aussi beaucoup sur le gaspillage », affirme Christophe Hébert, président de l’association nationale des directeurs de la restauration collective (Agores), directeur de la restauration municipale à Harfleur.
Les cantines scolaires restent également un lieu idéal pour former les enfants aux différents goûts des aliments. Mais, aujourd’hui, toutes n’arrivent pas à poursuivre cet objectif, faute de moyens. « Même si les collectivités ont des contraintes budgétaires, il est inadmissible d’avoir de la malbouffe dans les cantines. (...) Si on veut faire de l’éveil sensoriel, une des clefs de la réussite, se trouve dans nos restaurants scolaires. La formation de tous nos personnels d’encadrement est importante », assure Isabelle Maincion, maire de La Ville-aux-Clercs (Loir-et-Cher), responsable du groupe de travail sur les cantines à l’Association des maires de France (AMF).
Les cantines se doivent donc de permettre aux élèves d’accéder à une alimentation saine et variée. « Certains enfants en dehors de la cantine ne mangent pas. La cantine leur permet d’avoir un repas équilibré. Le goût c’est une manière de s’intégrer au monde : nous devons voyager dans nos cantines. Il faut l’ouvrir aux cultures du monde. Le goût transmet des valeurs comme le respect du travail des autres, des agriculteurs aux cuisiniers. (...) Le goût, c’est l’art de rentrer dans le monde des adultes », conclut Jean François Fechino, secrétaire général adjoint de la fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP).
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