Depuis l’attaque perpétrée le 7 octobre par le Hamas contre des civils israéliens et étrangers, 110 otages ont été libérés à l'issue de deux mois de captivité. Parmi eux, 80 femmes et enfants de moins de 19 ans. La plus jeune otage relâchée a 2 ans. Entretien avec la Pr Florence Askenazy, psychiatre et professeure de psychiatrie à Nice.
LE QUOTIDIEN : Quels sont les risques associés aux traumatismes que ces enfants ont vécus ?
Pr FLORENCE ASKENAZY : Ces enfants ont vécu un kidnapping, associé à des conditions de détention très précaires avec une alimentation réduite, et ont subi des menaces répétées. De plus, certains sont endeuillés. La tante du jeune franco-israélien de 12 ans, Eitan Yahalomi, a expliqué qu’il avait été forcé, avec d’autres enfants, à regarder les images des assassinats, ce qui est une torture.
Plus le psychotrauma par intentionnalité est violent et grave, plus le risque d’apparition d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT) et de troubles associés est élevé. Ces enfants cumulent l’effroi, la peur, la séparation d’avec leurs parents, la perte d’un proche pour certains et des conditions de vie épouvantables pendant 50 jours. Ils sont à risque très élevé de développer un TSPT, maintenant ou plus tard. Voire de chroniciser leurs symptômes sur plusieurs années.
Peuvent-ils aller mieux spontanément ? Comment sont-ils susceptibles d’évoluer ?
Ces enfants cumulent trop de traumas pour aller bien sur le court terme. Parmi tout ce qu’ils ont subi, la privation de nourriture et le fait de ne pas voir la lumière du jour bouleversent les équilibres biologiques de l’organisme et favorisent la dépression. L’un des symptômes susceptibles de disparaître est le fait qu’ils chuchotent. J’ai observé ce phénomène chez les enfants rescapés de l’attentat du 14 juillet à Nice. Certains chuchotaient, mais c’est réversible.
Il faut savoir qu’un enfant traumatisé ne se plaint pas. Passé cette phase initiale, marquée par l’événement inaugural, une phase de latence peut s’installer, pendant laquelle l’absence de symptômes ne doit pas faire retomber la vigilance. Chez ces enfants fragilisés, un harcèlement, le décès d'un proche, ou d’autres événements peuvent réactiver le trauma et conduire au TSPT.
Quel type de suivi et quel accompagnement mettre en place sur le long terme ?
Un suivi de proximité au long cours peut être réalisé par un professionnel de santé non médecin. L’entourage doit rester vigilant aux signaux d’alerte, même faibles, pouvant marquer une réactivation et l’installation de troubles pouvant se chroniciser. De l’agressivité, des troubles du sommeil, de mauvais résultats scolaires peuvent être annonciateurs de la mise en place de troubles associés à un trauma datant de plusieurs mois ou plusieurs années.
Au moindre signe, il faut pouvoir les adresser rapidement à un médecin spécialisé. Si des études ont documenté les traumas des enfants dans la guerre - les enfants palestiniens auront aussi besoin d’un accompagnement spécialisé – on ne dispose pas de données cliniques sur les conséquences à long terme d’attaques ciblées avec prise d’otages.
En tant que spécialiste, êtes-vous optimiste pour ces enfants qui ont été confrontés au pire ?
Il est difficile de prévoir de quelle manière chacun évoluera. Les enfants subissant une intentionnalité par terrorisme sont parmi les plus exposés au TSPT, ils ont besoin d’un suivi de long terme. Les parents de ces enfants très fragilisés le sont également, ce qui est un facteur de vulnérabilité supplémentaire.
En premier lieu, il convient de réaliser une évaluation précise du trauma, incluant les troubles de la cognition et des relations sociales. Pour ceux qui ont besoin d’une psychothérapie, elle peut être conventionnelle, relationnelle ou cognitivo-comportementale.
Mais il ne faut pas tout psychiatriser. Le psychotrauma de l’enfant n’est pas seulement l’affaire de la pédopsychiatrie. Les activités de médiation, d’engagement collectif ou de création, si elles sont correctement encadrées, peuvent donner de très bons résultats. Des artistes tels que Imre Kertész, Maya Angelou et d’autres en sont la preuve vivante. Il ne faut pas se priver du pouvoir de l’art pour aider les enfants dans leur chemin de reconstruction. L’artistique est une formidable voie de résilience.
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