Le refus scolaire anxieux est une réalité de terrain. Les demandes de suivi et de certificats de déscolarisation ont monté en flèche depuis le confinement. Mais sa prise en charge est peu aisée et non protocolisée. Au CHU de Montpellier, une unité consacrée au refus scolaire anxieux offre un modèle thérapeutique.
Jusqu’en 2020, le refus scolaire anxieux (RSA) intéressait peu les chercheurs, du moins en France. En conséquence, les chiffres manquent. Le RSA n’en reste pas moins un trouble envahissant les cabinets libéraux, généralistes et psychiatres compris. Ne cherchez pas dans le DSM, le refus scolaire n’y figure pas. « Le refus scolaire anxieux est un trouble anxieux très grave. Il est bien souvent le résultat de deux ou trois troubles anxieux qui s’additionnent », explique la Dr Hélène Denis, responsable de l’unité RSA de Montpellier. Rien à voir avec l’école buissonnière, donc.
Soulager via la TCC
Cette unité est née il y a une dizaine d’années, sous l’impulsion de la Dr Hélène Denis, qui était alors assistante en pédopsychiatrie. Son objectif : aider les jeunes souffrant de RSA à reprendre le chemin de l’école sans souffrance. Ce, grâce à une méthode thérapeutique largement validée par la littérature scientifique : la thérapie cognitivo-comportementale (TCC).
Concrètement, l’unité RSA est un hôpital de jour qui accueille des collégiens (10 places) et des lycéens (5 places) sur quatre demi-journées par semaine. Ce temps inclut un temps d’enseignement sur place (deux fois par semaine) et des temps thérapeutiques, en groupe ou en individuel. Les objectifs thérapeutiques sont définis au cas par cas, avec le patient, consignés dans un petit livret, écrit par la Dr Hélène Denis. « Chaque ado a son petit livret, qui inclut son suivi, des exercices, etc. Il nous permet de ne pas nous perdre dans leur programme. C’est son manuel à lui », explique-t-elle.
Le programme est évolutif, rythmé par des « expositions progressives », comme le fait de se rendre dans son établissement scolaire, de prendre l’ascenseur ou de sortir. Tout dépend de la problématique initiale. L’idée est, durant ce séjour, de soulager les troubles anxieux qui l’empêchent de se rendre en cours. Et ces troubles varient : phobie sociale, anxiété généralisée, phobie des transports, peur de vomir, anxiété de séparation, etc. Les troubles des apprentissages sont considérés « à part » et sont adressés dans un autre hôpital de jour, où l’accent sera mis sur les aménagements scolaires. Idem pour les troubles du spectre autistique, qui bénéficient d’une TCC adaptée.
Une reprise très progressive
L’accompagnement au sein de l’unité prend plusieurs formes : une à deux séances individuelles par semaine avec un psychiatre ou un psychologue formé à la TCC, les séances de groupe et le suivi par les soignants. Ces derniers les accompagnent lors des « expositions » aux situations anxiogènes. La reprise scolaire étant l’objectif de chaque enfant, celle-ci est proposée de manière très progressive : d’abord depuis l’unité avec un soignant, puis seul.e depuis l’unité, et enfin, à sa sortie de l’hôpital, selon un rythme scolaire réduit et aménagé. À mesure que le temps scolaire augmente, le temps en hôpital de jour se réduit, jusqu’à la sortie, et un projet de soins ambulatoires.
« La durée de l’hospitalisation est très imprévisible », reconnaît Hélène Denis. Pour certains ados, il y a un « déclic », pour d’autres, c’est plus laborieux. Mais pour tous et toutes, une sortie/reprise est envisagée en juin, « ça dépend donc aussi du moment de l’année où le jeune est accueilli ».
Autre facteur de reprise peu prévisible : l’effet de groupe. « Il est très important. Lorsqu’un ado réussit à reprendre, qu’il dit aux autres que c’est génial, il emmène un peu tout le groupe avec lui », s'enthousiasme-t-elle. On sait combien l’influence des pairs est importante à cette période de la vie, d’où l’intérêt d'une prise en charge groupale. Groupe d’affirmation de soi, jeux de rôle, groupe de méditation de pleine conscience, gestion des émotions : ces méthodes thérapeutiques sont proposées par les soignants de l’unité et complètent le suivi personnalisé.
Accompagner les parents, aussi
Les parents aussi sont acteurs. Ils sont même « co-thérapeutes ». Régulièrement en contact avec les soignants et reçus tous les mois par le psychiatre référent, ils sont invités « tous les 2-3 mois » à un groupe de parents, « très apprécié ». Leur demande d’être acteurs de la prise en charge est forte. Il s’agira donc de les « aider à aider », en leur communiquant des outils concrets, par exemple « pour gérer la crise d’angoisse de leur enfant ».
Le stress parental n’est pas à négliger dans les cas de refus scolaire anxieux, et certains outils, comme la méditation pleine conscience, peuvent être utilisés par toute la famille. Près d’une personne sur deux serait aujourd’hui concernée, tous âges confondus, par au moins un trouble anxieux. Ces chiffres, selon des études américaines, se seraient multipliés par 2 voire 3 depuis le Covid. Mi-2024 se terminera l’inclusion du protocole de recherche, implanté au sein de l’unité RSA de Montpellier et deux autres unités au fonctionnement semblable (Marseille, Nîmes). Les résultats devront permettre de valider l’efficacité de la prise en charge TCC de ce trouble si complexe, mettant à mal la place des jeunes et leur rapport à la société.
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