Dans les pays sans vaccination de routine des nourrissons, les rotavirus (RV) sont des agents majeurs des gastro-entérites aiguës (GEA), tant par leur fréquence que par leur gravité. En France, les GEA à rotavirus (GEA-RV) donnent lieu chaque année, chez les enfants âgés de moins de 3 ans, à environ 155 000 consultations en libéral, 30 000 recours aux urgences hospitalières et 14 000 hospitalisations (1). Il persiste encore une mortalité par déshydratation liée au RV, faible mais évitable : 10 à 15 décès par an en France.
Le poids des infections est important
Les infections nosocomiales à RV, de 14 000 à 20 000 par an suivant les études et l’âge des enfants considérés, touchent des nourrissons plus jeunes que lors de l’infection naturelle. Plus de 70 % surviennent chez des enfants hospitalisés pour bronchiolite. Elles sont responsables d’un allongement de la durée de séjour des enfants hospitalisés et d’un nombre important de réadmissions.
Ainsi, les GEA à RV participent pour une grande part à la saturation hivernale des services d’urgences et de pédiatrie des hôpitaux et à la désorganisation du système de santé. L’impact est aussi économique avec des coûts directs (consultations, traitements, hospitalisations, transports), estimés à 28 millions d’euros annuels en France (1). Mais les coûts les plus importants pour la société sont les coûts indirects, surtout en raison des arrêts de travail des parents. Enfin, l’impact sur la vie familiale est également notable : les parents rapportent une grande anxiété au cours des GEA, jugent la maladie grave, et décrivent perte de sommeil et retentissement important sur la vie familiale (2).
Les vaccins sont efficaces
L’objectif de la vaccination contre les RV était avant tout de prévenir les formes graves de GEA du nourrisson, survenant le plus souvent à l’occasion du premier épisode d’infection à RV.
Pour les deux vaccins (lire encadré), l’efficacité vaccinale (EV) a été démontrée dans des essais contrôlés randomisés. Une revue Cochrane publiée en 2019, portant sur 55 études cliniques (> 200 000 sujets), rapporte une EV contre les formes graves de GEA à RV comprise entre 84 et 92 % selon le vaccin dans les pays à faible mortalité et de 57 à 63 % dans les pays à forte mortalité (3). Cette moindre efficacité, dans les pays pauvres d’Afrique ou d’Asie, est cependant associée à un gain de mortalité et de morbidité supérieur, du fait d’une incidence plus élevée de formes sévères.
Cette efficacité est confirmée « en vie réelle ». En effet, plus de 90 pays dans le monde, dont 15 en Europe, ont inclus le vaccin RV dans leur programme national de vaccination. Une revue de la littérature réalisée en 2016 retrouve une efficacité de 90,6 % (IC95 [82-95]) sur les formes graves dans les pays développés (4).
On observe une réduction importante des hospitalisations et des consultations, mais aussi un aplatissement du pic d’incidence, associé à un décalage dans le temps de la saison épidémique à RV, qui ne se superpose plus en Europe au pic de VRS et/ou de grippe.
L’impact de la vaccination RV sur la réduction de l’incidence des GEA-RV nosocomiales a été évalué à 70-80 % (5).
Cette vaccination bénéficie également aux personnes non éligibles à la vaccination (enfants, adolescents, adultes) grâce à l’immunité de groupe. On observe en effet une réduction de l’incidence des GEA-RV dans les tranches d’âge non ciblées par la vaccination (6). Le taux de couverture vaccinale constitue un élément déterminant de l’efficacité sur le terrain de ces vaccins et notamment de cette protection de groupe qui apparaît pour des taux supérieurs à 65 % (7).
Les vaccins sont bien tolérés
Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés sont des diarrhées, des vomissements, une fièvre ou une irritabilité. L’invagination intestinale aiguë (IIA) est en revanche très rare : risque évalué à 1-3 cas additionnels pour 100 000 vaccinations dans la première semaine suivant l’administration de la première dose.
En France, la question de la vaccination systématique des nourrissons contre les infections à RV fait l’objet de nombreux débats depuis son retrait du calendrier vaccinal en 2015, le choix de proposer le vaccin étant laissé à l’initiative du médecin. Le risque d’IIA associé au vaccin RV reste un obstacle pour certains praticiens.
Pourtant, l’OMS a conclu que les bénéfices de la vaccination étaient largement supérieurs au faible risque d’IIA. De plus, ce surrisque d’IIA semble compensé par une réduction globale de l’incidence des IIA dans les pays pratiquant cette vaccination. Ainsi, une étude récente montrait une réduction de 28 % des IIA durant la première année de vie en Allemagne cinq ans après le début de la vaccination de masse avec un taux de couverture vaccinale de 80 % (5). Cela pourrait s’expliquer par le rôle des infections à RV dans la survenue de cas d’IIA. De même, deux méta-analyses récentes ne retrouvent pas d’augmentation du risque d’IIA dans les 2 ans suivant la vaccination RV (3,8).
La pandémie de Covid-19 met déjà en péril notre système de santé
Dans le contexte actuel pandémique, l’Académie de médecine appelle à ne pas alourdir « le fardeau » des structures de soins avec les GEA, et recommande donc d’inclure la vaccination contre les infections à RV dans le calendrier vaccinal de tous les nourrissons. De plus, bien qu’ils soient peu touchés par le Covid-19, ce diagnostic peut être évoqué devant des manifestations digestives dont la diarrhée, présente chez 15 à 20 % des enfants infectés par le Sars-CoV-2. Lors de l’épidémie saisonnière de GEA à RV, nous pourrions être amenés à réaliser un grand nombre de tests RT-PCR, et à prendre des mesures d’éviction devant des symptômes digestifs.
Pour ne pas multiplier les indications de PCR-Covid et éviter la surcharge de notre système de santé, Infovac soutient également la généralisation à tous les nourrissons et le remboursement des vaccins RV. Ceux-ci ont clairement montré leur efficacité dans la prévention des GEA à RV, notamment des formes sévères conduisant à une hospitalisation. En prenant en compte les coûts directs et indirects des GEA à RV, le coût de cette vaccination universelle serait compensé par la baisse des infections et la diminution du recours au système de soins (9).
Exergue : Cinq ans après le début de la vaccination de masse, l’incidence des invaginations intestinales aiguës est réduite de 28 % en Allemagne
Service de pédiatre, Centre Hospitalier de Versailles (1) HCSP. Avis relatif à la vaccination contre les rotavirus des nourrissons de moins de six mois. 28 mai 2010 (2) Mast TC et al. BMC Pediatr 2009;9:11 (3) Soares-Weiser K et al. Coch Dat Syst Rev 2019 Oct 28;2019(10) (4) Lamberti LM et al. Pediatr Infect Dis J 2016 Sep;35(9):992-8 (5) Marquis A et al. Pediatr Infect Dis J 2020;39:e109‑116 (6) Prelog M et al. J Infect Dis 2016;214:546‑55 (7) Macartney KK et al. J Paediatr Child Health 2011;47(5):266-70 (8) Hai-Ling Lu et al. Jama Netw Open 2019; 2(10): e1912458 (9) Poelaert D et al. Vaccine 2018;36:2243‑53
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