Le 13 août, un nourrisson hospitalisé dans les Hauts-de-Seine pour une bronchiolite a dû être transféré au CHU de Rouen. Un « fait inédit » qui illustre l'extrême difficulté d’un nombre croissant de services de pédiatrie et d’urgences pédiatriques, dénonce le Syndicat national des pédiatres des établissements hospitaliers (SNPEH) qui attend avec impatience les conclusions des Assises de la santé de l’enfant et de la pédiatrie. Président du SNPEH, le Dr Emmanuel Cixous, revient sur ces revendications et s'inquiète à l'approche de l'automne.
LE QUOTIDIEN : Quelle est la situation dans les services de pédiatrie hospitalière ?
Dr EMMANUEL CIXOUS : Le véritable problème, c’est le manque de lits en réanimation. Les services étaient déjà confrontés à des fermetures de lits, faute de personnel. La situation s’est aggravée cet été, notamment en raison des départs en vacances. En Île-de-France, un tiers des lits de réanimation étaient fermés cet été.
C’est angoissant pour la suite. Que va-t-il se passer quand les urgences seront débordées, quand les pathologies contagieuses vont arriver ? Je pense notamment au VRS. Certes, des anticorps monoclonaux anti-VRS seront disponibles dès le mois de septembre 2023 pour les nouveau-nés. Mais que va-t-on faire si le Beyfortus n’arrive pas à stopper la maladie ? J'ajoute que cette mise en place est faite dans l’urgence et les généralistes, pédiatres de ville, services de maternité et de néonatologie n’ont pas encore les informations suffisantes pour s’organiser. Or, je rappelle que les soignants ont déjà connu un automne/hiver 2019-2020 et 2022-2023 particulièrement difficiles.
Comment expliquer la pénurie de pédiatres hospitaliers ?
La pédiatrie est une spécialité assez multiple, polymorphe. On doit faire plusieurs choses à la fois : de l’urgence et de l’hospitalisation, parfois les urgences et la maternité en même temps, mais aussi du bloc obstétrical. La charge de travail est devenue extrêmement lourde. La charge mentale est telle que certains médecins quittent l’hôpital.
Dans les services qui font de la réanimation néonatale, il est de plus en plus difficile de trouver des médecins, y compris pour les CHU. Beaucoup de médecins hospitaliers vont exercer dans le privé. Dans mon équipe, beaucoup sont partis travailler en libéral, où la charge mentale est nettement moins importante. Certains ont vécu un hiver dernier épouvantable. Quand on vit ce genre de situations, on n’a plus envie de les revivre… On ne tient plus compte de ses collègues, on cherche simplement à sauver sa peau.
Qu’attendez-vous des assises de la pédiatrie ?
Les soignants ne veulent plus revivre l’hiver vécu l’année dernière. Mais pour l’instant, on attend toujours les conclusions de ces assises. On n’a toujours pas vu la moindre mesure susceptible de faire obstacle à une nouvelle épidémie de bronchiolite. De plus, nous aurons moins de soignants que l’année dernière à la même période. Certes, nous aurons le Beyfortus qui devrait protéger les nouveau-nés et les nourrissons contre les bronchiolites à VRS. Mais il ne sera pas efficace contre les autres bronchiolites.
Le SNPEH critique aussi le changement de maquette des internes de médecine générale qui, selon vous, « réduit drastiquement » la formation à la pédiatrie et la médecine de l’enfant…
Tout à fait. Jusqu’à présent, les étudiants de 3e cycle avaient six mois de formation hospitalière à la médecine de l’enfant ou la pédiatrie. Avec la nouvelle maquette, on s’oriente vers « 3 mois + 3 mois » [avec un stage couplé en santé de la femme et de l'enfant, NDLR]. Or, on sait bien que trois mois, ce n’est pas suffisant pour être suffisamment formé et pour être capable de prendre en charge correctement des enfants en médecine générale.
On nous rétorque que les étudiants voient aussi des enfants quand ils font leur stage en médecine générale… Je le répète : avec la nouvelle maquette, la formation en pédiatrie ne sera pas d’aussi bonne qualité. On sait bien que 85 % des enfants en première ligne sont vus par les généralistes. Et si les généralistes sont un peu perdus avec les enfants, leur suivi ne sera pas idéal… Voilà pourquoi il faut absolument maintenir six mois de formation à la médecine de l’enfant ou la pédiatrie.
Comment remédier à la perte d’attractivité ?
Il faut former davantage de pédiatres, augmenter le quota d’internes en pédiatrie. Plus on sera nombreux, plus on aura de gens disponibles dans les services. Il faut aussi améliorer les conditions de travail et de rémunération à l’hôpital. Certains médecins se retrouvent en difficulté parce qu’ils ont beaucoup trop de choses à faire en garde.
À l’image de ce qui a été fait à Douai ou à Boulogne, on pourrait dédoubler les gardes, pour que deux personnes soient présentes sur place, et non une seule. Ce dispositif a fonctionné. Les médecins reviennent, alors qu’il s’agissait de services en grande difficulté. Ils ont mis les moyens et réussi à attirer à nouveau les praticiens.
Il faut aussi que les gardes soient mieux rémunérées. Si l’on en croit les déclarations récentes du ministre de la Santé, la revalorisation des gardes va être pérennisée. Cela ne répond pas tout à fait à nos revendications salariales, mais cela sera toujours mieux qu’avant. À condition que Bruno Lemaire ne mette pas son veto, comme il l’a fait déjà fait ces derniers mois, dans le cadre des négociations sur l’attractivité.
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?
Maintien des connaissances et des compétences
La certification périodique marque des points
Deux poids, deux mesures ? La fin des négos ravive les tensions entre spécialistes et généralistes