Dans quel contexte paraissent ces recommandations ?
Il y a de toute évidence un problème de sous-diagnostic en France. Les pays méditerranéens partagent quelque chose qui brouille les cartes depuis plus d’un siècle, c’est l’idée que ces problèmes de comportement et d’attention sont la conséquence de problèmes éducatifs ou d’émotivité. On n’a jamais voulu identifier le TDAH (Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) comme un problème à part entière. Du coup les centres de prises en charge, qui sont peu nombreux, ont des délais d’attente importants ; dans le centre que je pilote, à Bordeaux, on voit 1 200 patients par an et nous voyons 3 000 demandes chaque année. Donc ces recommandations sont nécessaires pour aider l’accès au soin de ces jeunes, ou moins jeunes… Jusqu’à présent on avait jusqu’à 3 ans de retard entre l’alerte parentale et le diagnostic. Donc une recommandation par une autorité apparentée à l’État est un grand pas. Il faut que les généralistes aident à repérer les signes et participent à la prise en charge. Par contre, le diagnostic, reste réservé au spécialiste.
Quelle est la stratégie de prise en charge ?
En France on s’est focalisé sur l’idée que porter un diagnostic revenait à prescrire un médicament, ce qui est une absurdité en soi. Chez l’enfant, ce sont les stratégies de thérapie éducatives qui prévalent. Nous sommes 4-5 sites à les pratiquer, on travaille avec des groupes parents-enfants, sur des situations de la vie quotidienne, pour apprendre à réguler l’attention des enfants dans ces situations. Il y a bien évidemment aussi des stratégies individuelles, par exemple la remédiation cognitive, pour aider les patients à focaliser leur attention. Chez l’adulte on a des stratégies qui s’inspirent un peu des thérapies comportementales cognitives, on travaille aussi avec la compagne ou le compagnon.
Quand passe-t-on aux médicaments ?
C’est la sévérité du handicap au quotidien qui détermine l’ajout d’un traitement médicamenteux ou non. Mais il arrive en seconde intention. Nous avons quelques indications de traitement rapide, quand le handicap est majeur, quand il y a un danger familial, scolaire et social. On estime qu’environs 5 % des patients sont sous méthylphénidate – on est loin de la surmédicalisation ! C’est la seule molécule qui a reçu l’AMM en France, uniquement pour les 6-15 ans. D’autres pays comme l’Italie ou L’Espagne ont davantage de molécules. La France a été très frileuse là dessus. Mais c’est la molécule la plus connue. On connaît bien les effets secondaires, qui touchent 1 patient sur 10, et concernent surtout des problèmes d’appétit et de sommeil. On sait que son efficacité à court terme est bonne, à 3, 6 mois, 1 an. Après, il y a moins de données sur le long terme… Or les risques de rechutes existent. Ce qui est recommandé aujourd’hui c’est de réaliser des fenêtres thérapeutiques annuelles. Les praticiens arrêtent pendant les vacances scolaires et évaluent le comportement sans traitement.
Si la prescription initiale est réservée au spécialiste, le médecin de premier recours a une part à jouer dans le suivi médicamenteux, car le méthylphénidate est prescrit pour 28 jours. La consultation généraliste permet alors de revoir l’enfant tous les mois, de s’assurer de la bonne tolérance du médicament, de vérifier la tension, la fréquence cardiaque, le développement staturo-pondéral et que le patient va effectivement mieux. Le généraliste peut être amené à modifier le traitement, mais cela doit toujours se faire en lien avec l’équipe pluridisciplinaire.
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