› Antoine DALAT
Allaitement ou lait infantile ? Le choix d’une alimentation, à un âge précoce, a-t-il un impact sur la santé des enfants à plus ou moins long terme ? « Il est très difficile de répondre de manière définitive et tranchée car il s’agit d’une question complexe sur laquelle il convient de rester d’une grande prudence, précise d’emblée le Pr Dominique Turck, chef du service de pédiatrie de l’hôpital Jeanne de Flandre (CHU de Lille). Comme chacun peut le comprendre, il n’est pas possible, pour des raisons éthiques évidentes, de mener des études randomisées, en tirant au sort les enfants qui vont être allaités et ceux qui vont recevoir des laits infantiles. On doit donc se baser sur des études observationnelles ou des études de cohorte. Il est difficile dans ces conditions de savoir si tel bénéfice constaté est lié à tel type d’alimentation ou au fait que l’enfant est issu d’une famille plus favorisée sur un plan économique ou culturel ».
Le Pr Turck évoque quand même deux études, « avec une part de randomisation », ayant montré des bénéfices avérés en faveur de l’allaitement. « La première a été menée il y a une trentaine d’années par un Anglais visionnaire, Alan Lucas. Il a réalisé des études visant à comparer le lait maternel avec des laits pour prématurés. Il faut se replacer dans le contexte de l’époque : dans ces années 1980, on ignorait si le lait maternel était ou non adapté aux prématurés. Alan Lucas a été le premier à montrer que l’allaitement était effectivement adapté, sous réserve de certaines supplémentations. Il a aussi montré qu’à l’âge de 10-15 ans, les enfants qui avaient été allaités présentaient quelques avantages métaboliques, en termes de diabète, de cholestérol ou de tension artérielle. Ces données sont intéressantes mais portent uniquement sur des prématurés, qui ne représentent au total que 7 % des nouveau-nés ».
Le Pr Turck cite une autre étude randomisée ayant été conduite au Bélarus sur des maternités. « La moitié des maternités inclue dans l’étude faisait l’objet d’une promotion massive de l’allaitement tandis que l’autre moitié ne faisait pas d’action particulière dans ce sens. Indirectement, les enfants concernés faisaient donc l’objet d’une randomisation dite par cluster. Ce travail, intéressant, a lui aussi montré des bénéfices sur le plan métabolique et cognitif en faveur de l’allaitement. Dans la grande majorité des cas, c’est quand même à partir d’études observationnelles qu’on se base pour conclure que l’allaitement présente des bénéfices pour la santé de l’enfant ».
Selon le Pr Turck, certains travaux ont montré, par exemple, que les adultes qui avaient été allaités avaient une pression artérielle un peu plus basse. « Des effets ont aussi été constatés sur la cholestérolémie. Mais il n’a pas été démontré pour autant de réduction de la morbidité ou de la mortalité cardiovasculaires. Certaines études ont aussi montré un effet protecteur de l’allaitement sur l’obésité dans l’enfance ou à l’adolescence, mais sans confirmation à l’âge adulte ».
IL NY A PAS DE DISCUSSION DE 0 À 2 ANS
En conclusion, le Pr Turck reste donc prudent. « En général, on trouve des éléments positifs dans telle ou telle étude mais on a du mal à démontrer de façon formelle un bénéfice majeur avéré, durable et mesurable. Le principal bénéfice de l’allaitement, reconnu par tous, existe surtout à court terme au cours des deux premières années de la vie, avec moins d’infections ORL ou respiratoires ou encore de diarrhées », indique le Pr Turck. À l’échelle de la planète, c’est bien sûr le bénéfice le plus important de l’allaitement.
Entretien avec le Pr Dominique Turck, chef du service de pédiatrie du CHU Jeanne de Flandre à Lille.
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