DANS SA FORME habituelle, le syndrome hémolytique et urémique (SHU) de l’enfant, dit typique ou post-diarrhée (SHU D+), est due à une infection par des Escherichia coli producteurs de Shiga toxines (Stx) (STEC) (sérotype 0157: H7 prédominant) (1-3). Il est défini par une triade associant anémie hémolytique mécanique, thrombopénie et insuffisance rénale aiguë. Les Stx entraînent en effet des lésions endothéliales à l’origine de la fragmentation des globules rouges, d’une activation plaquettaire et d’un état prothrombotique aboutissant à la formation de thrombi fibrino-plaquettaires dans la microvascularisation, essentiellement rénale.
Les patients contractent les STEC en consommant du steak haché insuffisamment cuit, des produits laitiers non pasteurisés, des fruits et légumes ou de l’eau contaminés, ou par contact avec des animaux et leurs excréments ou transmission interhumaine.
L’année 2011 a été marquée par une épidémie particulière.
Chaque année en France, une centaine de cas de SHU à STEC sont observés chez des enfants âgés le plus souvent de 6 mois à 3 ans (4). Le 22 mai 2011, l’Allemagne signalait une augmentation subite du nombre de cas de diarrhée à STEC avec ou sans SHU, totalisant en environ 2 semaines 3167 cas sans SHU (16 décès) et 908 cas avec SHU (34 décès), tous liés à un E. coli inhabituel et extrêmement virulent, 0104 : H4 (5). Une épidémie (une quinzaine de cas en quelques jours) due à ce même E. coli est survenue en juin 2011 dans la région de Bordeaux. Dans plus de 80 % des cas, il s’agissait d’adultes, avec une nette prédominance de femmes. La Task Force de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) a conclu qu’un lot de graines de fenugrec importé d’Egypte était à l’origine de ces deux épidémies (5).
Un début brutal, une dialyse souvent nécessaire.
Après une phase prodromique constituée d’une diarrhée le plus souvent sanglante, de vomissements et de douleurs abdominales, le SHU D+ dans sa forme habituelle survient brutalement. Il associe une anémie hémolytique avec schizocytes, une thrombopénie et une insuffisance rénale aiguë. Une dialyse est nécessaire chez 50 à 60 % des enfants. Des complications extra-rénales pouvant peuvent survenir, en particulier une atteinte du système nerveux central. La mortalité est de 1 à 2 % en France et deux patients sur 3 guérissent sans séquelles. Mais au moins un tiers des patients gardent des séquelles rénales (protéinurie, hypertension, insuffisance rénale chronique) conduisant à l’insuffisance rénale terminale quinze à vingt ans plus tard.
Un traitement difficile, une prévention simple.
Aucun traitement ne permet de modifier la sévérité du SHU D+. Toutefois, l’éculizumab, un bloqueur du complément utilisé dans le traitement de l’hémoglobinurie paroxystique nocturne, apparaît comme remarquablement efficace dans le SHU atypique, du à une dérégulation génétique de l’activation du complément. Certains travaux indiquant une activation du complément à la phase aigue des SHU à STEC, ce traitement a été tenté chez 3 enfants ayant des formes graves de SHU à STEC, avec des résultats très encourageants (6). L’eculizumab a été utilisé chez de nombreux patients des épidémies allemande et française : la publication des résultats observés est évidemment très attendue.
La transmission de la maladie peut être prévenue par le respect de règles simples, à rappeler à l’entourage des enfants de moins de 3 à 5 ans, précisées sur le site de l’InVS (4), et rappelée dans l’encadré.
Conflits d’intérêt : C. Loirat a été coordonnateur pour la France des essais thérapeutiques Alexion « Eculizumab chez les adultes atteint de SHU atypique résistants / sensibles à la plasmathérapie » C08-002A and C08-003A, est actuellement coordonnateur pour la France des essais Alexion « Eculizumab chez les adultes / les enfants atteints de SHU atypique » C10-004 and C10-003, et fait partie du conseil scientifique des laboratoires Alexion Pharmaceuticals and LFB Biotechnologies.
Références
(1) Loirat C. Syndrome hémolytique et urémique, dans Néphrologie Pédiatrique, P.Cochat et E.Bérard eds, Progrès en Pédiatrie, Doin, Paris 2011 : pp 361-7.
(2) Tarr PI, et coll. Lancet 2005 ; 365 (9464) : 1073-86.
(3) Taylor CM. Pediatr Nephrol 2008; 23: 1425-31.
(4) Institut de Veille Sanitaire, Ministère de la Santé, France [en ligne : www.invs.sante.fr/surveillance/shu/prevention.htm].
(5) EFSA. EFSA publishes report from its Task Force on the E. coli O104:H4 outbreaks in Germany and France in 2011 and makes further recommendations to protect consumers [en ligne: www.efsa.europa.eu/en/press/news/110705.htm].
(6) Lapeyraque AL, et coll. N Engl J Med 2011 ; 364 (26) : 2561-3.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024