Allergie rime souvent avec pédiatrie ! En témoigne le dernier congrès français d’allergologie, qui a accordé une large place aux allergies de l’enfant. Avec, notamment, toute une session dédiée aux hypersensibilités médicamenteuses infantiles. L’occasion de souligner l’importance des tests dans cette indication afin de limiter au maximum le risque de récidive tout en évitant d’incriminer à tort des molécules utiles.
Environ 10 % des parents rapportent de possibles réactions « allergiques » à un médicament chez leur enfant, alors même que seule une petite proportion sont réellement d’origine allergique. La plupart des réactions d’hypersensibilité (HS) médicamenteuse chez l’enfant sont attribuées aux β-lactamines, mais les AINS, voire les corticoïdes, peuvent aussi être responsables. « Le bilan étiologique est d’autant plus important, souligne le Dr Jean-Christophe Caubet (pédiatre, Genève), que les éruptions cutanées induites par les virus sont très fréquentes chez l’enfant, et très difficiles à distinguer d’une réaction cutanée allergique, en particulier dans la phase aiguë », et que « l’on connaît les conséquences d’une allergie aux β-lactamines non évaluée en termes de recours à des antibiotiques de “2e ligne”, avec augmentation du risque de SARM mais aussi de clostridium difficile », renchérit le Dr Anca Chiriac (CHU de Montpellier).
Une place centrale pour les TPO dans les réactions aux β-lactamines
Devant une suspicion de réaction allergique cutanée immédiate, on peut proposer des tests cutanés, éventuellement complétés par des tests in vitro, et, en cas de négativité, un test de provocation orale (TPO). « En cas de réaction sévère immédiate, certains préconisent de refaire les tests après 2 à 4 semaines si le bilan est négatif, une attitude qui ne fait toutefois pas consensus », reconnaît le Dr Chiriac.
En cas de suspicion d’HS retardée bénigne, il est maintenant bien établi qu’on peut passer directement aux tests de provocation, qui sont en revanche contre-indiqués après une réaction sévère. Le TPO est un élément central pour confirmer ou infirmer l’allergie médicamenteuse chez l’enfant, afin de savoir si on doit exclure ou non le médicament incriminé et rechercher des alternatives thérapeutiques. Une méta-analyse de 2021 montre qu’après une HS bénigne retardée aux β-lactamines, les tests de provocation pratiqués sans tests cutanés (TC) préalables sont positifs dans 2 à 14 % des cas, avec uniquement des réactions cutanées légères, ce qui confirme la sécurité de cette procédure. La même étude montre que la sensibilité des tests in vitro est très variable et les faux négatifs très nombreux, ce qui confirme leur faible valeur diagnostique dans ce contexte.
S’il est donc accepté de faire directement un TPO dans les réactions bénignes retardées, le débat n’est pas tranché pour les réactions immédiates, qui sont potentiellement plus sévères. Plusieurs arguments plaideraient dans ce sens. D’une part, pour les HS aux β-lactamines, il peut être difficile de trancher entre caractère immédiat ou non, le délai par rapport à la dernière dose n’étant pas forcément connu. D’autre part, la grande majorité des réactions immédiates sont bénignes. Enfin, la valeur prédictive positive des TC n’est pas claire, leur spécificité à la pénicilline étant très élevée mais leur sensibilité très faible. Dans une étude menée dans les HS aux pénicillines, 91 % des TPO positifs correspondaient à des TC négatifs. La question s’est donc posée de modifier les pratiques et de passer directement à un TPO en cas d’HS à la pénicilline immédiate bénigne. Mais les anaphylaxies sévères étant très rares, il faudrait un très grand nombre de patients pour confirmer la sécurité d’un TPO sans TC préalable. Aussi, actuellement, on estime qu’on manque d’arguments pour modifier les pratiques, surtout quand on connaît la sévérité des anaphylaxies aux pénicillines (500 à 1 000 décès par an aux USA).
Alors qu’on sait que les allergies alimentaires évoluent favorablement dans le temps, on connaissait mal l’histoire naturelle de ces HS retardées bénignes médicamenteuses. Après un suivi moyen de 3,5 ans d’une allergie aux β-lactamines authentifiée par un TPO, une étude montre que 16 TPO sur 18 se sont négativés, et que 12 patients ont repris des β-lactamines ultérieurement sans réaction notable, ce qui permet d’affirmer que l’HS avait disparu. « Ce qui nous a amenés à reconvoquer systématiquement ces patients 3 ans après avec un TPO pour suivre l’évolution », explique le pédiatre.
Hypersensibilité aux AINS : attention aux allergies croisées
Les allergies aux AINS – et à l’aspirine – sont plus fréquentes que ce qu’on pensait, du fait de l’augmentation des pathologies allergiques, cofacteur important de ces hypersensibilités. La très grande majorité des enfants, en particulier chez les moins de 10 ans, présentent une allergie croisée à tous les AINS, qui s’associe pour certains à une intolérance au paracétamol. Si l’allergie à un seul AINS se traduit par des symptômes similaires à ceux de l’adulte, dans les phénotypes allergie croisée, elle se manifeste volontiers par une anaphylaxie avec symptômes cutanés et respiratoires.
Devant une suspicion de réaction aux AINS, l’allergie est confirmée dans 7,6 à 68,2 % des cas (20 % dans une étude italienne bien menée), des résultats très hétérogènes, la positivité dépendant de l’âge, du phénotype, de cofacteurs aggravants tels que les virus, l’exercice et la nourriture.
Le point crucial est de savoir si l’enfant peut recevoir d’autres AINS. Les examens biologiques n’ont aucun intérêt, les TC ont une faible valeur diagnostique, aussi le TPO reste le gold standard à la fois pour le diagnostic et la recherche des molécules éventuellement tolérées. Les facteurs prédictifs d’un TPO positif sont une réaction dans l’heure suivant la prise du médicament et une histoire personnelle ou familiale d’HS aux AINS.
On connaît mal le devenir de l’HS aux AINS chez les enfants, aussi une réévaluation périodique peut-elle se justifier.
Allergie aux corticoïdes… ou à l’excipient ?
La dermatite de contact allergique après application locale est la plus fréquente des HS provoquées par les corticostéroïdes. On peut cependant observer des réactions allergiques systémiques immédiates, généralement plus souvent après injection intra-articulaire, intraveineuse ou intramusculaire qu’après prise per os. « Les tests cutanés peuvent être utiles. Toute la difficulté est qu’une grande partie des réactions n’est pas due au corticoïde lui-même mais à l’excipient ! » note le Dr Emmanuelle Amsler (hôpital Tenon, Paris).