LA VITAMINE D a rang d’hormone car son métabolite actif le 1,25(OH)D est synthétisé au niveau du rein pour agir à distance, en particulier au niveau d’un récepteur de l’intestin pour permettre l’absorption active du calcium.
Depuis l’enrichissement des laits infantiles en vitamine D, en 1992, le rachitisme carentiel a quasiment disparu en France. « Les cas actuels, indiquent les Prs Éric Mallet et Michel Vidailhet, concernent essentiellement des nourrissons allaités au sein ne reçevant pas de vitamine D, particulièrement des enfants à peau pigmentée, et des nourrissons intolérants au lait de vache ou alimentés avec des laits non supplémentés en vitamine D ». Par ailleurs, les besoins étant étroitement corrélés avec la vélocité de croissance, les adolescents sont également à risque de carence et de rachitisme. Une enquête réalisée en 2004 par le Groupe calcium de la Société française de pédiatrie (SFP) a colligé, sur 15 ans, 41 cas de rachitisme symptomatique de l’adolescent ayant parfois nécessité une hospitalisation du fait d’une symptomatologie souvent bruyante.
Recommandations actuelles pour la supplémentation.
Les indications et les modalités de supplémentation en vitamine D ont été récemment précisées par le comité de nutrition de la SFP (1).
Chez la femme enceinte, pour prévenir la carence chez le nouveau-né, une dose de charge de 80 000 à 100 000 UI est recommandée au début du septième mois de grossesse.
Chez le nourrisson allaité au sein, la supplémentation doit être de 1 000 à 1 200 UI/j pendant toute la durée de l’allaitement.
L’enfant de moins de 18 mois alimenté avec une préparation infantile enrichie en vitamine D doit recevoir un complément de 600 à 800 UI/j. Cette dose est bien adaptée aux formes galéniques existantes.
De 18 mois à 5 ans, on recommande deux doses de charge de 80 000 à 100 000 UI en hiver, l’une en novembre, l’autre en février.
« Si ces recommandations sont plutôt bien suivies chez les nourrissons, elles le sont beaucoup moins chez les plus grands », précisent les Prs Mallet et Vidailhet. Une enquête multicentrique française récente indique ainsi que la supplémentation en vit. D est inexistante ou inférieure aux recommandations pour plus de 53 % des enfants de 19 mois à 5 ans.
Durant toute la puberté, c’est-à-dire entre 11 ans et 16 ans chez la fille et entre 13 et 18 ans chez le garçon, on recommande deux doses de 80 ou 100 000 UI en hiver, l’une en novembre, l’autre en février, ou une dose semestrielle unique de 200 000 UI. Des abaques prenant en compte l’exposition solaire et les apports alimentaires ont été mis au point pour repérer les enfants et les adolescents à risque de déficience et pouvant bénéficier d’une supplémentation. Ces abaques peuvent être utiles dans certaines circonstances, mais, aux doses recommandées chez l’adolescent, la supplémentation ne comporte aucun risque de surcharge. De plus, des travaux épidémiologiques ont permis établir qu’un quart des adolescents avaient des taux de 25(OH)D3 dans la zone de carence et que ce déficit s’accentuait au fur et à mesure de la progression de la puberté.
« Tous les arguments sont donc réunis, soulignent Eric Mallet et Michel Vidailhet, pour préconiser cette supplémentation hivernale pendant toute la durée de la puberté, afin d’assurer aux adolescents une masse minérale osseuse optimale qui pourrait retarder l’âge de survenue de l’ostéoporose ». À noter que le seuil de carence en vitamine D à partir duquel peuvent survenir des manifestations cliniques et biologiques est de 10 ng/l soit 25 nmol/l.
La question de l’utilité d’une supplémentation entre l’âge de 5 ans et la puberté est toujours en suspens aujourd’hui. Certains la préconisent, arguant de l’absence de toxicité et de la plus grande simplicité d’une supplémentation continue de la naissance à la puberté. D’après une enquête commencée en France l’hiver dernier, 30 % des enfants de 5 à 11 ans reçoivent une supplémentation.
Effets extraosseux.
D’après certains travaux, un bon statut vitaminique D aurait un effet protecteur contre les infections saisonnières et un effet préventif sur la survenue d’un asthme chez les enfants dont la mère a reçu de la vitamine D durant la grossesse (2). Une étude publiée en 2001 sur une cohorte de naissance suivie trente ans (3) montre une réduction importante du risque de diabète de type 1 à l’âge adulte, chez les sujets supplémentés (2 000 UI/j) durant l’enfance. Cet effet protecteur a été confirmé en 2008 par une métaanalyse de cinq études (4).
Les connaissances sur ses mécanismes d’action ont considérablement progressé éclairant d’un jour nouveau certaines données anciennes. Ainsi, plus d’un siècle après le prix Nobel attribué à Niels Finsen en 1903 pour ses travaux sur le traitement de la tuberculose par l’exposition solaire, on a découvert que la 1,25(OH)D3 produite localement induit la synthèse de cathélicidine, un peptide antimicrobien impliqué dans la première ligne de défense contre Mycobacterium tuberculosis. Des études d’intervention sont néanmoins indispensables pour confirmer ou infirmer ces effets extraosseux.
D’après un entretien avec les Prs Eric Mallet (Rouen) et Michel Vidailhet (Nancy).
(1) Vidailhet M, Mallet E et coll. Arch Pediatr 2012;19:316-328 (accessible sur le site de la Société française de pédiatrie, www.sfpediatrie.com).
(2) Camargo CA Jr et coll. Am J Clin Nutr 2007;85:788-95.
(3) Hyppönen E et coll. Lancet 2001;358:1500-3.
(4) Zilitis CS et coll. Arch Dis Child 2008;93:512-7.
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