DE TRÈS NOMBREUSES affections, soit neuropathiques, soit myopathiques, sont susceptibles d’intégrer dans leur présentation une déviation rachidienne. On peut classer les troubles neurologiques suivant leur caractère central (infirmité motrice cérébrale, dégénérescences spinocérébelleuses de type Charcot-Marie ou ataxie de Friedreich, syringomyélie…) ou périphérique (polio, traumatique…). Au sein des affections myopathiques figurent les dystrophies musculaires de Duchenne ou non, l’arthrogrypose, la dystrophie myotonique…
S’expliquant par la faiblesse ou le mauvais contrôle neurologique des muscles du tronc, les déviations rachidiennes sont fréquentes, touchant de 25 à 100 % des patients, en fonction de l’étiologie. Une forme clinique très classique est la courbe thoracolombaire étendue s’accompagnant d’une obliquité pelvienne, l’appui asymétrique sur les ischions créant des zones d’hyperpression et des escarres. Par ailleurs, les muscles respiratoires étant souvent touchés par la maladie causale, l’hypothèque respiratoire est importante.
Un examen clinique adapté à chaque situation fonctionnelle.
L’examen clinique doit être réalisé dans la position habituelle de fonction, c’est-à-dire le plus souvent dans le fauteuil roulant ou l’appareillage de jour (siège moulé). Il permet d’analyser le retentissement de la déformation du rachis et du tronc sur la position assise. L’examen en position allongé doit être pratiqué chez tous les patients, qu’ils soient ou non capables de se tenir debout ou assis (le patient est couché sur le ventre en bout de table, les membres inférieurs en flexion). On peut ainsi apprécier les courbures et leur réductibilité, la souplesse des angles iliolombaires, cela après avoir éliminé les effets de la pesanteur, d’une asymétrie du bassin ou d’une éventuelle inégalité des membres inférieurs.
Une évaluation et une prise en charge globale.
L’évaluation respiratoire doit être attentive pour trois raisons :
– la déformation rachidienne est susceptible de retentir sur la mécanique ventilatoire, surtout si elle est importante ;
– l’affection neurologique causale peut, de par ses caractéristiques propres ou son évolution, avoir un effet délétère sur la ventilation ;
– le traitement, orthopédique ou chirurgical, peut avoir des répercussions, parfois prolongées, voire définitives, sur la fonction respiratoire.
La ventilation non invasive (VNI) permet d’améliorer la qualité de la ventilation spontanée par une aide mécanique apportée par un masque buccal ou nasal raccordé à un appareil d’assistance respiratoire. Le recours à une VNI est possible à l’approche d’une chirurgie lourde et durant les quelques mois postopératoires chez les patients les plus fragiles. Chez ces patients, l’évaluation préopératoire et l’éducation de l’entourage permettent de mettre en place ce dispositif dans de bonnes conditions.
L’évaluation et la prise en charge nutritionnelle sont impératives dans les mois qui précèdent la chirurgie. Dans les cas les plus difficiles (dénutrition ancienne et coopération limitée du patient), on pourra envisager un gavage nocturne par sonde nasogastrique, voire une supplémentation au moyen d’une gastrostomie.
Une démarche de prévention.
La prévention des rétractions et des postures vicieuses du tronc, mais aussi et surtout des membres est la base de la prise en charge orthopédique globale. Ainsi, la lutte contre les postures asymétriques (« coup de vent ») de hanche est le moyen le plus sur moyen de prévenir le développement d’une obliquité pelvienne.
Dans les maladies entraînant un déficit important de la force musculaire (tétraplégies, amyotrophies spinales de type 1 et 2), le traitement orthopédique est très précoce. Il repose en premier lieu sur la réalisation de corsets de type passif : la correction est obtenue par une traction exercée par un corset de type « Garchois », entre deux points fixes (bassin et crâne de l’enfant).
Dans la majorité des cas, le traitement orthopédique n’est qu’une solution d’attente avant une arthrodèse vertébrale. Il a cependant une utilité propre, en préservant le développement pulmonaire et la fonction respiratoire favorisant un acte chirurgical le plus simple et le plus limité possible.
Les objectifs de la chirurgie.
L’amélioration des techniques chirurgicales mais aussi et surtout de la prise en charge médicale (anesthésie-réanimation, pneumologie, cardiologie) permet de proposer des solutions chirurgicales plus ou moins complexes à un très grand nombre de patients, y compris les plus fragiles.
En ce qui concerne les techniques chirurgicales, la multiplication des ancrages et la pose d’implants à chaque niveau vertébral arthrodésé sont une bonne réponse à la médiocre qualité osseuse, et donc au risque de faillite mécanique du montage, chez ces patients ostéoporotiques. La correction par cintrage progressif des tiges est une technique efficace qui permet d’optimiser la correction en répartissant les contraintes sur l’ensemble des niveaux implantés. L’objectif à atteindre est un alignement frontal de la ceinture pelvienne et de la ceinture scapulaire. La correction de l’obliquité pelvienne nécessite l’extension du montage rachidien jusqu’au bassin. Les techniques chirurgicales décrites sont nombreuses et leur maîtrise complète reste délicate dans les cas les plus complexes.
Globalement, ces interventions chirurgicales génèrent plus de 17 % de complications générales le risque létal étant d’environ 1 %.
Le traitement chirurgical est une solution radicale mais efficace pour traiter ces déformations. Il ne s’agit pas d’un « acharnement thérapeutique », comme le pensent certains médecins de rééducation ou kinésithérapeutes. Il assure un bénéfice réel pour le patient, tant sur le plan fonctionnel que sur l’amélioration des douleurs comme en attestent plusieurs études utilisant des auto-questionnaires de qualité de vie. Toutefois, le traitement chirurgical n’est que l’aboutissement d’une longue période de préparation et d’évaluation mettant en balance bénéfice et risques.
D’après la conférence d’enseignement du Pr Raphaël Vialle, hôpital Armand-Trousseau, Paris.
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