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Apnées : à quel moment faut-il penser insuffisance respiratoire ?

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Publié le 14/05/2024
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Dans la majorité des cas, le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) ne s’accompagne pas d’une insuffisance respiratoire, mais certains cas doivent être investigués pour ne pas passer à côté. Le point avec la Pr Bouchra Lamia (Le Havre).

Un avis spécialisé est recommandé en cas de troubles significatifs de l’oxygénation nocturne

Un avis spécialisé est recommandé en cas de troubles significatifs de l’oxygénation nocturne
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Les troubles respiratoires nocturnes tels que les ronflements sévères, les pauses respiratoires constatées par l’entourage, la sensation d’étouffement ou de suffocation pendant le sommeil, la nycturie, la fatigue diurne, les céphalées matinales, des troubles de l’humeur et une somnolence diurne excessive sont autant de signes évoquant un syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS). Si au moins trois sont retrouvés, d’autres investigations sont nécessaires.

« La moitié des patients apnéiques présentent une somnolence excessive. L’interrogatoire doit l’objectiver, avec des échelles telles que celle d’Epworth, qui évalue le niveau de risque de s’endormir dans la journée entre 0 (inexistant) et 3 (important), pour huit situations différentes. Un score de 11/24 ou davantage traduit une somnolence diurne excessive », détaille la Pr Bouchra Lamia, GH du Havre, université de Normandie.

De façon physiologique, il est possible de présenter cinq pauses respiratoires par heure d’endormissement. Entre cinq et 15 pauses/h, on parle de SAHOS léger, entre 15 et 30/h, de SAHOS modéré et, au-delà de 30, de SAHOS sévère. « La prévalence des SAHOS modérés à sévères est estimée à 14 % chez les hommes et 6 % chez les femmes, raison pour laquelle 1,5 million de Français sont traités par pression positive », rappelle la Pr Lamia.

Les facteurs de risque sont une obésité, avec une prédominance masculine, les anomalies anatomiques des voies aériennes supérieures (rétrognathie, micromandibule, hypertrophie amygdalienne ou macroglossie).

Bilan minimal

La confirmation diagnostique du SAHOS, en présence de trois signes cliniques évocateurs, repose en première intention sur une polygraphie ventilatoire. Une polysomnographie est utile en complément, pour les situations cliniques complexes. Le bilan initial doit aussi comporter une radiographie thoracique et une spirométrie, à la recherche d’un trouble ventilatoire obstructif ou restrictif associé.

Les comorbidités cardiovasculaires et/ou respiratoires sont à rechercher systématiquement. Le SAHOS augmentant de 40 % le risque de présenter un syndrome métabolique, chez les patients en situation d’obésité, le bilan métabolique doit comporter glycémie, bilan lipidique et surveillance tensionnelle.

Une gazométrie artérielle est recommandée chez les fumeurs et ex-fumeurs, en cas de BPCO associée, d’obésité sévère (IMC ≥ 35), ou de saturation d’éveil < 94 %. « Dans la majorité des cas, le SAHOS ne s’accompagne pas d’insuffisance respiratoire chronique (IRC) – dont le symptôme majeur reste la dyspnée – car les échanges gazeux sont préservés », indique la Pr Lamia. Une IRC est retenue lorsque PaO2 < 70 mmHg (hypoxique) ou PaCO2 > 45 mmHg (hypercapnique), au repos et en état stable, cette dernière situation se retrouvant notamment dans le syndrome obésité-hyperventilation. L’IRC peut être sous-tendue par diverses causes comme une maladie obstructive (BPCO), restrictive, neuromusculaire, etc.

Enfin, un panoramique dentaire est réalisé en cas de traitement envisagé par orthèse d’avancée mandibulaire (OAM).

Prise en charge séquentielle

L’OAM est le traitement de première intention chez un patient symptomatique avec un SAHOS modéré, sans comorbidités cardiorespiratoires graves, et un index de micro-éveils < 10/heure (connu si le patient a bénéficié d’une polysomnographie). En revanche, chez un patient avec un SAHOS sévère, ou modéré mais avec des comorbidités cardiorespiratoires, ou encore associé à une somnolence diurne sévère (risque accidentel), la pression positive continue (PPC) nocturne sera le traitement de première intention. L’OAM ne sera proposée comme alternative qu’en cas de refus ou d’intolérance à la PPC.

« En l’absence d’insuffisance cardiaque associée, le traitement par PPC est instauré la nuit en mode autopiloté. Le patient est réévalué à un mois, avec le résultat du rapport d’observance et de titration. Sous traitement bien conduit, les symptômes en lien avec le SAHOS sont corrigés, de même que les apnées, précise la Pr Lamia. La situation particulière des patients amenés à conduire un véhicule ou un engin qui ont un SAHOS avec somnolence diurne excessive exige un arrêt de travail jusqu’à confirmation d’un traitement bien conduit et efficace, attestée par le retour à la normalité au test de maintien en éveil (TME) à un mois de traitement. Seul un TME normal peut autoriser la reprise de l’activité professionnelle. »

Les gaz du sang doivent être réalisés chez les (ex-)fumeurs en cas de BPCO et d'obésité sévère

Un avis spécialisé est recommandé en cas de mise en évidence de troubles significatifs de l’oxygénation nocturne en polygraphie ventilatoire ou en polysomnographie, associés à une inefficacité du traitement instauré en première intention et/ou en présence de comorbidités cardiorespiratoires graves.

Entretien avec la Pr Bouchra Lamia (Le Havre)

Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du Médecin