L’ambition d’améliorer la qualité de vie

Comment optimiser la prise en charge des patients atteints de sarcoïdose ?

Publié le 21/05/2021
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Les progrès récents des techniques et des connaissances ont renforcé significativement le rôle des pneumologues dans la prise en charge de la sarcoïdose. Des recommandations thérapeutiques seront publiées prochainement par l’ERS.
L’atteinte pulmonaire est la cause première de mortalité prématurée

L’atteinte pulmonaire est la cause première de mortalité prématurée
Crédit photo : ph

La sarcoïdose est une des plus fréquentes parmi les maladies rares (1). Les pneumologues sont très impliqués dans sa prise en charge, tant diagnostique que thérapeutique.

En premier lieu, les prélèvements ganglionnaires intrathoraciques échoguidés par voie endoscopique bronchique, voire plus rarement par cryobiopsie pulmonaire perendoscopique, ont complété l’arsenal diagnostique et réduit les indications de médiastinoscopie et des prélèvements pulmonaires chirurgicaux (2).

Affinement du pronostic

Le pronostic à long terme de la maladie repose avant tout sur l’atteinte pulmonaire, qui constitue la cause première de mortalité prématurée dans cette maladie dans les pays occidentaux, notamment en France (3), le développement d’une fibrose pulmonaire significative, d’une hypertension pulmonaire précapillaire et une altération de l’exploration fonctionnelle marquée reflétée par un Composite Physiologic Index supérieur à 40, représentant des critères prédictifs péjoratifs avérés (4). Des travaux de recherche sont en cours pour identifier des facteurs pronostiques précoces d’une évolution défavorable, ce qui permettrait d’envisager une prise en charge mieux adaptée.

Cerner les syndromes parasarcoïdiens

D’un retentissement est volontiers pénible, indépendamment de la sévérité de l’atteinte viscérale pulmonaire ou dans d’autres organes, les syndromes parasarcoïdiens, viennent alourdir le poids de la maladie sur la qualité de vie, en plus des symptômes bien connus (dyspnée, toux, douleurs thoraciques, etc.). Les symptômes les plus fréquents en sont la fatigue, qui peut être dévastatrice même dans des formes jugées hâtivement comme inoffensives (stade 1 radiographique isolé), les troubles cognitifs, avec des troubles de la concentration et de la mémorisation très pénalisants, et les symptômes anxiodépressifs. Fréquents, ils majorent l’absentéisme professionnel, et entraînent une perte de revenus et une altération de la vie personnelle.

Bien sûr, avant d’attribuer la fatigue à un syndrome parasarcoïdien, le pneumologue devra ne pas méconnaître une perte fonctionnelle respiratoire, une activité significative de la maladie, l’effet indésirable d’un traitement corticoïde prolongé, surtout s’il y a en plus un diabète, un trouble hormonal, mais aussi un syndrome d’apnées obstructives du sommeil, manifestation anormalement fréquente en cas de sarcoïdose.

Récemment, de nombreux scores pour mesurer l’effet de la sarcoïdose sur la qualité de vie ont été évalués. Ils devront certainement être mieux pris en considération dans les essais cliniques concernant cette maladie.

De nouvelles recommandations thérapeutiques

Les dernières recommandations thérapeutiques internationales sur la sarcoïdose remontaient à 1999 (5). Depuis, de nombreuses données nouvelles ont permis d’enrichir la palette thérapeutique, au premier rang desquels certains anti-TNF, des traitements d’organe, comme la pose de défibrillateurs implantables en cas de sarcoïdose cardiaque sévère, ou même la transplantation pulmonaire dans les formes pulmonaires avancées non accessibles aux traitements médicamenteux (6). On peut également citer la réhabilitation (7) [lire aussi p. 23].

Les effets adverses des traitements sont aussi mieux connus et mis en balance avec les effets positifs attendus. L’effet négatif des corticoïdes sur la qualité de vie est maintenant bien évalué. L’altération de celle-ci affecte aussi l’adhésion au traitement, son défaut étant une cause non négligeable d’échec.

Dans les mois à venir, les nouvelles recommandations internationales, élaborées par le groupe de travail de l’ERS vont être publiées. Le rationnel de mise au traitement est lié au risque d’atteinte viscérale menaçante, de mortalité prématurée et aussi à la perte de qualité de vie avec l’ambition de les améliorer, des travaux à venir étant attendus. Ce document repose sur une analyse extrêmement rigoureuse de la littérature ; y ont participé des représentants très actifs d’associations de patients, les attentes de ceux-ci pouvant différer de celles des médecins (8).

Pour l’instant, en France, comme dans beaucoup d’autres pays, aucun traitement n’est « approuvé », ce qui implique une rigueur encore plus importante dans les indications et les décisions de changements de traitement. On distingue, en dehors des topiques, les traitements anti-sarcoïdiens de première ligne (corticoïdes), de deuxième ligne (immunosuppresseur, au premier rang desquels le méthotrexate à faible dose hebdomadaire), de troisième ligne (les anti-TNF, l’infliximab et l’adalimumab ayant été les seuls à faire preuve d’une efficacité). Ces traitements de 2e puis de 3e ligne sont considérés lorsque la maladie ne répond pas à ceux des lignes précédentes, ou bien lorsque ces médicaments sont mal tolérés voire contre-indiqués ou enfin lorsque la dose nécessaire au long cours, par exemple au-delà de 7 mg/j pour la prednisone, entraîne une menace d’effets indésirables significatifs.

Mais la composante granulomateuse de la sarcoïdose est le plus souvent sensible aux thérapeutiques et il est très rare d’observer une résistance avec les trois lignes ; cela souligne la nécessité d’une rigueur diagnostique maximale, pour éviter une confusion diagnostique voire la méconnaissance d’une comorbidité.

Dans les très rares cas ultrarésistants, des traitements ciblés sur des voies impliquées dans la physiopathologique de la maladie (inhibiteurs de mTor, antiJAK, anti-IL6) ont pu montrer une efficacité salvatrice. Leur recours nécessite la sollicitation de centres référents et l’information préalable des instances ad hoc des établissements hospitaliers où sont traités les patients.

Enfin, les traitements « non-sarcoïdiens » peuvent s’avérer très utiles : supplémentation en oxygène ; traitement adapté des surinfections des bronchectasies, très fréquentes dans les formes avancées ; traitements interventionnels radiologiques pour hémoptysies abondantes ; traitements antifongiques appropriés aux infections pulmonaires chroniques aspergillaires ; réhabilitation respiratoire ; pose d’un défibrillateur implantable etc.

Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph, Paris ; AP-HP, Hôpital Avicenne, Inserm UMR 1272, Université Sorbonne Paris-Nord, Bobigny 

(1) Duchemann B, ERJ 2017

(2) Jeny F, RMR 2020. Crouser ED, AJRCCM 2020

(3) Jamilloux Y, ERJ 2016

(4) Walsh S, Lancet RM 2014. Kirkil G, Chest 2018. Jeny F, Respir Med 2020

(5) Statement, AJRCCM 1999

(6) Le Pavec J, Eur Respir J 2021

(7) Wallaert B, Respir Med Res 202

(8) Baughman R, ERJ Open Access 2018

Pr Dominique Valeyre

Source : lequotidiendumedecin.fr