Sa prise de position sur le cannabis en janvier dernier, lors du 20e congrès de pneumologie de langue française, a fait grand bruit dans les médias. « Le but était d’interpeller les pneumologues et de lancer le débat sur l’inefficacité de la politique française en matière de cannabis », explique Bertrand Dautzenberg, professeur de pneumologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. « Aujourd’hui, la France est le pays d’Europe où on trouve le plus grand nombre de consommateurs parmi les jeunes. Et, si on veut faire baisser ces consommations, il est certainement nécessaire de faire évoluer notre législation, actuellement axée sur le tout répressif, car depuis 1916 cette politique est en échec », ajoute-t-il.
Le Pr Dautzenberg tient d’emblée à préciser qu’il n’ignore en rien les risques liés à l’usage du cannabis. « En dehors de ses conséquences dans le domaine cognitif, particulièrement marquées à l’adolescence, la consommation de cannabis, en particulier sous forme de résine fumée, a clairement des effets dans le domaine respiratoire. Certes, il n’est pas toujours simple d’interpréter les résultats de certaines études tant les modes d’inhalation sont différents. Il y a très peu de fumeurs de cannabis pur et celui-ci est la plupart du temps associé au tabac. Et il est difficile de déterminer avec exactitude la part d’effets qui incombe spécifiquement au cannabis », indique le Pr Dautzenberg.
Mais selon lui, il existe des liens avérés entre la consommation de cannabis et la survenue de pathologies respiratoires ainsi que sur le risque de rechute du tabagisme liée à la co-consommation de nicotine. « Aujourd’hui, en France, le cannabis est principalement consommé sous forme de résine. Souvent coupée avec d’autres substances plus ou moins toxiques, cette résine est mélangée avec du tabac, sous forme de joints réalisés avec un papier à cigarette long qui brûle mal. C’est en l’occurrence la fumée chargée en particules fines et très fines, en substances cancérogènes et en monoxyde de carbone qui produit sur le poumon des effets nocifs, alors que le THC et les autres cannabinoïdes ont peu d’effets directs sur le système respiratoire », indique le Pr Dautzenberg.
Aujourd’hui, les pouvoirs publics s’opposent à toute dépénalisation ou légalisation du cannabis. « Nous avons le même objectif commun : faire baisser les consommations. S’entêter dans le tout répressif est contre-productif et je pense qu’il faut faire évaluer notre législation. Il n’existe aucun début de preuve dans la littérature qu’une politique répressive permette de faire baisser les usages. Et je pense qu’il faudrait réfléchir à une évolution contrôlée, sous la responsabilité de l’État, comme cela a été fait en Uruguay. Aujourd’hui, via le trafic, les jeunes consomment plus de produits à la composition parfois incertaine et de mauvaise qualité. C’est comme s’ils achetaient une bouteille d’alcool sans savoir si elle contient de la bière ou de la vodka », indique le Pr Dautzenberg.
Une légalisation encadrée permettrait, selon lui, la distribution de produits à la qualité contrôlée. « Il faudrait qu’ils soient proposés au départ à des prix assez bas pour prendre le marché et casser le trafic. Ensuite, on pourrait, sur le modèle du tabac, augmenter les prix de manière progressive et, avec les taxes recueillies, faire de la prévention à large échelle. La grande question est bien sûr de savoir si cette légalisation contrôlée ne risquerait pas d’entraîner une hausse des consommations. Si l’état gère cette légalisation et ne fait pas la promotion des produits mais de la prévention, cela n’est pas observé. Et, à terme, une politique de prévention bien menée inverse la tendance, comme cela est démontré au Portugal, seul pays européen ayant dépénalisé toutes les drogues. Depuis la loi Evin, la consommation de tabac a reculé de 50 % et celle d’alcool de 25 % en France. Sur la même période, la consommation de cannabis a progressé de 20 %. Ce qui prouve l’inefficacité de la politique répressive au regard d’une légalisation contrôlée », estime le Pr Dautzenberg.
D’après un entretien avec explique avec Bertrand Dautzenberg, professeur de pneumologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris
Exergue : Nous avons le même objectif commun : faire baisser les consommations
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024