« Quand je vais dans les congrès ou quand je participe à des réunions scientifiques, je suis frappé par la place prise aujourd’hui par la recherche sur l’identification des personnes à risque de développer une BPCO, notamment par l’étude du polymorphisme génétique dans la BPCO. Je n’ai bien sûr rien contre le fait que des recherches soient faites dans ce domaine et je connais pas mal de confrères qui y prennent part. Mais je trouve qu’on accorde trop d’importance à cette piste du polymorphisme, qui consomme beaucoup de crédits dédiés à la recherche. Alors que la véritable priorité serait de nous concentrer sur le principal facteur de risque de mortalité cardiovasculaire de la BPCO, à savoir le tabac », indique le Pr Bruno Degano, chef du service de pneumologie du CHU de Grenoble. « Le week-end dernier, je relisais un certain nombre d’articles pour des grandes revues, ajoute-t-il. Et je n’ai pas pu m’empêcher de me poser un certain nombre de questions en constatant qu’aujourd’hui, dans certains endroits, on propose des traitements bronchodilatateurs à des fumeurs sans obstruction. Dans d’autres, on fait du polymorphisme génétique chez des patients fumeurs, presque pour voir s’ils peuvent continuer ou non à fumer ! »
Un message implicite délétère
Avec le polymorphisme génétique, l’objectif est de savoir quels patients, par exemple fumeurs, auront un risque plus élevé de développer un jour une BPCO. « C’est peut-être une piste de recherche fondamentale intéressante mais je ne pense pas que cela soit la plus importante aujourd’hui face à une maladie comme la BPCO. Le risque est de faire passer des messages ambigus vis-à-vis à risque de certains patients à risque, par exemple les fumeurs qui, à travers les analyses génétiques, vont pouvoir apprendre qu’ils ne sont particulièrement prédisposés à développer une BPCO. Et le message qui finit par passer, le plus souvent de manière implicite mais pas toujours, est de dire qu’ils peuvent continuer à fumer. Certains disent que l’avenir de la recherche, c’est le polymorphisme génétique associé au développement de la maladie. Sur un plan de santé publique, c’est discutable. Car, dans bien des cas, les personnes, atteintes de BPCO, mourront d’autres pathologies principalement liées au tabac. Peut-être devrait-on avoir une réflexion sur le fait qu’on met aujourd’hui très trop peu de moyens dans la lutte contre le tabac. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à préconiser une action bien plus forte contre le tabagisme. C’est la position que vient de défendre le Pr Marc Humbert, figure très connue du monde de la pneumologie et président de l’European Respiratory Society (ERS), en fait une des quatre priorités de son mandat », souligne le Pr Degano.
Pour ce dernier, il faut se rendre à l’évidence : en l’état actuel, il n’est pas envisageable de guérir la BPCO. « Sauf à imaginer pouvoir faire un jour de la régénération pulmonaire. Dans ce contexte, il est bien sûr crucial de tout faire identifier le plus tôt possible un patient fumeur qui va développer une BPCO et lui assurer la meilleure prise en charge possible. Mais il faut être conscient qu’on ne viendra jamais à bout de cette maladie sans un réel contrôle du principal facteur de risque », indique le Pr Degano.
L’apport de la génétique et la connaissance d’une prédisposition pourraient être très utiles si, comme dans d’autres pathologies, une intervention thérapeutique précoce permettait d’avoir un réel effet préventif. « Or, là aujourd’hui, si on identifie un patient fumeur à risque, la seule chose qu’on puisse vraiment lui proposer, c’est d’arrêter le tabac. Pour le reste, nous sommes dans l’incapacité de mettre en évidence un effet préventif de quelque thérapeutique que ce soit », souligne le Pr Degano.
Dans certaines pathologies, les progrès thérapeutiques ont été majeurs ces dernières années. « On peut citer le cas de l’asthme, pour lequel on a connu une véritable révolution au cours des 10 dernières années. On a appris à mieux utiliser des produits anciens et surtout, on a vu arriver des produits nouveaux qui changent considérablement la maladie et ses symptômes. C’est un véritable succès de la recherche thérapeutique. Malheureusement, dans les maladies bronchiques liées à l’environnement, c’est la prévention qui fera la différence », indique le Pr Degano.
Entretien avec le Pr Bruno Degano, chef du service de pneumologie du CHU de Grenoble.
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