L’usage empirique et immodéré des antibiotiques à large spectre a conduit à la propagation de multirésistances. De plus, ces antibiotiques, en perturbant la flore intestinale du patient, pourraient élever le risque de diverses maladies inflammatoires, infectieuses et métaboliques. Des efforts de recherche se tournent donc vers le développement d’approches antibactériennes spécifiques du pathogène.
Il reste à savoir toutefois si de telles approches de médecine de précision pourraient offrir une couverture suffisante pour des infections polymicrobiennes. Cette question est particulièrement importante pour les patients souffrant de mucoviscidose ou présentant une pneumonie acquise sous ventilateur; chez ces patients, l’infection pulmonaire est souvent mixte avec une colonisation ou co-infection des voies respiratoires supérieures par Staphylococcus aureus qui précède l’infection par Pseudomonas aeruginosa ou par une autre bactérie opportuniste.
Étudiant la souris, Taylor Cohen et coll. ont découvert que le S. aureus peut, en fait, favoriser la prolifération, la dissémination systémique et la létalité de diverses bactéries Gram négatif opportunistes co-infectant le poumon. Ceci a été montré dans plusieurs modèles murins de co-infection pulmonaire : S. aureus plus P. aeruginosa (comparé à une mono-infection par P. aeruginosa), S. aureus associé à Klebsiella pneumoniae ou à Acinetobacter baumannii.
Un facteur de virulence clé
Leurs expériences révèlent que la toxine alpha de S. aureus, un facteur de virulence clé, altère la fonction des macrophages (immunité innée) en empêchant l’acidification de leurs phagosomes, réduisant de ce fait la phagocytose et la destruction de S. aureus mais aussi des bactéries Gram-négatif. Ainsi, les bactéries Gram-négatif opportunistes profitent de cette défense immune affaiblie pour proliférer.
De façon prometteuse, une immunoprophylaxie avec un anticorps monoclonal ciblant P. aeruginosa (MED13902) réduit la gravité de la coinfection, lorsqu’elle est administrée jusqu’à 8 heures après l’infection d’un modèle murin dont le système immunitaire est humanisé.
Mieux encore, une immunoprophylaxie précoce (jusqu’à 1 heure après l’infection) avec un anticorps monoclonal neutralisant la toxine alpha de S. aureus (MED14893) permet de protéger la souris contre la co-infection par S. aureus et une batterie Gram négatif, réduisant la prolifération et la gravité de l’infection normalement létale.
Cibler la toxine alpha avec un anticorps monoclonal
Les résultats, publiés dans la revue « Science Translational Medicine », suggèrent donc qu’une co-infection par S. aureus (exprimant la toxine alpha) pourrait être un facteur de risque d’infection a gram négatif. Et des approches prophylactiques ou thérapeutiques basées sur des anticorps spécifiques de pathogènes pourraient être efficaces contre des infections opportunistes mixtes, sans devoir recourir aux antibiotiques à large spectre.
Des études cliniques sont maintenant nécessaires pour évaluer cette hypothèse et mieux définir les populations de patients qui pourraient bénéficier de ces stratégies de médecine de précision. « S. aureus pourrait agir comme un pathogène d’entrée et un facteur de risque pour d’autres infections bactériennes potentiellement pharmacorésistantes et cibler la toxine alpha avec un anticorps monoclonal spécifique pourrait réduire ce risque », explique au « Quotidien » le Dr Taylor Cohen (Medimmune, Gaithersburg).
« MEDI3902 et MEDI4893 sont actuellement évalués dans des essais de phase 2 pour la prévention des pneumonies à P. aeruginosa ou à S. aureus chez les patients ventilés en USI. Nous surveillerons l’effet du MEDI4893 sur l’incidence de la pneumonie causée par S. aureus et d’autres pathogènes bactériens », précise le Dr Bred Sellman (MedImmune) qui a dirigé l’étude.
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