Tuberculose résistante à la rifampicine

Un schéma thérapeutique écourté est possible

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Publié le 15/04/2019
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Crédit photo : Phanie

La tuberculose multirésistante et résistante à la rifampicine posent un problème de santé publique important. Elles représentent plus de 560 000 cas dont 230 000 décès annuels. Pour ces tuberculoses, l'OMS recommande depuis 2011 une durée de traitement de 20 mois dont 8 intensifs. Ce schéma est globalement associé à 55 % de guérison en 2017. Mais cette recommandation est basée sur des données d'observation de qualité limitée. Le traitement long est-il incontournable ? Ce n'est pas certain. Des taux de guérison prometteurs ont été observés dans des tuberculoses multirésistantes traitées avec des schémas écourtés dans des études de cohortes au Bangladesh. Et aujourd'hui une étude randomisée menée dans la tuberculose résistante à la rifampicine relance le débat (1).

Une étude de phase III sur près de 500 patients

L'essai mené est une étude multicentrique (Afrique, Asie, Royaume-Uni) de non-infériorité centrée sur les tuberculoses résistantes à la rifampicine et sensibles aux fluoroquinolones et aux aminosides. Les sujets ont été randomisés dans un rapport 2/1 pour un traitement « court » de 9 à 11 mois incluant une haute dose de moxifloxacine ou un traitement de 20 mois conforme aux recommandations de l'OMS. Le traitement court associe une dose importante de moxifloxacine plus clofazimine, ethambutol et pyrazinamide durant 40 semaines auxquels s'ajoutent durant les 16 premières semaines kanamycine, isoniazide et prothionamide.

Globalement les sujets inclus ont pour un quart moins de 25 ans (18-25 ans), pour plus de la moitié entre 25 et 44 ans et 15 % plus de 45 ans. Un tiers a le SIDA. Plus des deux tiers ont de multiples cavernes.

Les sujets ont été suivis tous les mois jusqu'à la 132e semaine avec un prélèvement pour culture de BK mensuel. Des ECG ont aussi été régulièrement pratiqués.

Le critère d'efficacité retenu est la négativité des cultures de BK à 132 mois sans qu'il n'y ait eu :

- extension du traitement ;

- ajout d'une ou deux molécules non incluses dans le protocole ;

- décès quelle qu'en soit sa cause ;

- une ou deux cultures positives dans les prélèvements les plus récents.

Efficacité et tolérance assez proches

Sur les 424 participants randomisés, 383 ont pu être analysés en intention de traiter.

Parmi eux le traitement s'est avéré efficace chez 80 % des sujets du bras traitement long et 79 % de ceux du bras traitement court. Soit une différence de 1 % après ajustement sur le statut VIH (P de non-infériorité = 0,02).

L'acquisition de résistances aux fluoroquinolones ou aux aminosides a concerné respectivement 3,3 % - traitement court - et 2,3 % - traitement long - des patients. En revanche il n'y a pas de résistance au pyrazinamide.

En termes de tolérance, des effets indésirables de grade 3-5 ont touché 45 % de sujets au cours du traitement long contre 48 % de ceux du traitement court avec notamment plus d'augmentations du QT. On est à 11 % d'allongements du QT ( supérieur à 500 msec) avec le traitement court versus 6,4 % avec le traitement long conventionnel. Ce qui a mené pour certains sujets du traitement court à des ajustements de posologie de moxifloxacine (21 pts) ou un passage à la lévofloxacine (12 pts).

Enfin les décès ont affecté 6,4 % des sujets du bras traitement long versus 8,5 % dans le bras traitement court.

Une piste à creuser

Pour les auteurs ce premier essai randomisé est très encourageant avec près de 80 % de guérison dans les deux groupes et peu d'émergences de résistances aux fluoroquinolones y compris dans le bras traitement court peut être en raison du choix de la moxifloxacine. Le traitement court n'est néanmoins pas associé à moins d'effets secondaires qui sont dominés par les complications cardiaques et hépatobiliaires sous traitement court quand les effets métaboliques sont les plus fréquents sous traitement long. Il n'y a pas eu de différence en termes de perte d'audition entre les deux bras, fréquente avec les traitements de seconde ligne. Du moins autant que l'on peut en juger puisque l'accès à un audiomètre était difficile pour les sites situés hors de l'Afrique du Sud. Enfin il faut souligner que cet essai ne permet pas de savoir quel est le médicament essentiel parmi les sept utilisés dans le traitement court. D'autres essais sont nécessaires pour répondre à cette question, soulignent les auteurs.

(1) Nunn  AJ et al. A Trial of a Shorter Regimen for Rifampin-Resistant Tuberculosis. NEJM 2019;380:1201-13

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr