Lors du congrès de l'American Thoracic Society (ATS), une session est revenue sur les deux traitements médicamenteux actuels spécifiques de la mucoviscidose. Et l'arrivée probable d'une nouvelle molécule qui pourrait élargir le nombre de patients éligibles au traitement voire améliorer l'efficacité des thérapeutiques si leur association en trithérapie s'avérait fructueuse, a expliqué la Pr Natalie West (John Hopkins Cystic Fibrosis Center, États-Unis).
Ivacaftor puis lumacaftor
En 2012, le premier traitement permettant de potentialiser la fonctionnalité d'une protéine CTRF mutée était agréé. Dans la mucoviscidose associée à une mutation de G551D-CFTR, l'ivacaftor permet en effet d'améliorer de 11 % en valeur absolue le FEV1 ; de réduire de 55 % les exacerbations pulmonaires ; d'améliorer le poids corporel de près de 3 kg en moyenne ; et enfin de réduire de 48 mmol/l le taux de chlore dans la sueur dont la valeur basale était autour de 100 mmol/l (1). Depuis, l'indication de l'ivacaftor, potentialisateur de CTRF, a été élargie à 33 autres mutations CTRF.
Trois ans après, une seconde molécule, le lumacaftor, a été agréée en association avec l'ivacaftor dans la mucoviscidose de type III chez les homozygotes Phe508del. À la différence de l'ivacaftor, ce n'est pas un potentialisateur mais un correcteur de fonctionnalité de la CTRF muté. L'étude princeps a montré que chez des homozygotes Phe508del/Phe508del la bithérapie ivacaftor/lumacaftor améliore de 3 à 4 % le FEV1 ; réduit de 30 à 40 % les exacerbations ; augmente de 1 à 2 kg le poids ; et réduit de 20 mmol/l le taux de chlore dans la sueur (2). Ce bénéfice est néanmoins associé à des effets secondaires notables pulmonaires, en particulier des bronchospasmes et de nombreuses interactions médicamenteuses potentielles, vu l'activité inductrice sur le cytochrome P450/3A du lumacaftor.
Moins d'effets secondaires et d'interations avec le tezacaftor
Cette année, deux études de phase III ont exploré l'activité d'une troisième molécule, le tezacaftor, un second correcteur de CFTR, en association à l'ivacaftor. L'une portait à nouveau sur des homozygotes Phe508del (3). La seconde s'est intéressée à un groupe plus hétérogène de patients (4). Ce sont des patients hétérozygotes Phe508del portant sur l'autre gène une mutation CTRF plus rare et présentant par conséquent, comme les homozygotes Phe508del, une fonctionnalité CTRF résiduelle.
Le premier essai mené chez des homozygotes Phe508del (Phe508del/Phe508del) a montré que la bithérapie tezacaftor/ivacaftor — versus placebo — induit une amélioration de 4 % du FEV1 ; une réduction de 35 % des exacerbations ; une réduction de 10 mmol/ml du taux de chlore dans la sueur ; et une augmentation du score de qualité respiratoire (CFQ-R). Elle a donc, sur les patients F508del homozygotes, une efficacité assez comparable à la bithérapie lumacaftor/ivacaftor. Avec cependant a un net avantage en termes de tolérance. On n'a, en particulier, aucun bronchospasme et pas d'activité sur le cytochrome P450 donc bien moins d'interactions médicamenteuses.
Or, près de 20 % des patients éligibles à la bithérapie agréée en 2015 utilisant le lumacaftor développent des intolérances (bronchospasmes).
Une avancée pour les mutations plus rares
Le second essai porte sur des hétérozygotes Phe508del — Phe508del/mutation plus rare — conservant une certaine fonctionnalité de CTRF. Soit un groupe phénotypique « fonction CTRF résiduelle », donc un panel de patients plus divers et plus large que précédemment, et représentant environ 5 % des mucoviscidoses. Dans ce groupe, la bithérapie tezacaftor/ivacaftor a été comparée, d'une part au placebo, d'autre part à une monothérapie par ivacaftor, en cross over.
Les résultats mettent en évidence une amélioration de la FEV1 de 7 % sous bithérapie par comparaison au placebo et de 5 % sous ivacaftor seul versus placebo. Dans les deux bras, le score de qualité respiratoire (CFQ-R) est aussi significativement amélioré par les traitements médicamenteux.
« Ce nouveau correcteur de CTRF pourrait élargir le nombre de patients pouvant en pratique bénéficier d'une bithérapie par potentialisateur/correcteur de CTRF. Il est en effet bien mieux toléré que la bithérapie avec le lumacaftor auquel près de 20 % des sujets sont intolérants. Il a en outre démontré une activité chez des patients porteurs de mutations plus rares que Phe508del et conservant une certaine fonctionnalité de CTRF. C'est donc une belle avancée, même si à l'heure actuelle ce type de traitement ne vise au total guère plus de 5 % de l'ensemble des mucoviscidoses », résume la Pr Natalie West.
Au congrès de l'American Thoracic Society (ATS) 2018, présentation de la Pr Natalie Ewest West (John Hopkins Cystic Fibrosis Center, États-Unis)
(1) Ramsey et al. NEJM 2011;365:1663-72
(2) Wianwright et al. NEJM 2015;373:220-31
(3) Taylor et al. NEJM 2017;377:2013-23
(4) Rowe et al. NEJM 2017;3777:2024-33
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