Alors que s’organise un retour à la normale pour les professionnels qui ont été en première ligne dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19, les risques pour leur santé mentale restent un point de vigilance. Les effets « conduisant à une souffrance sont susceptibles d’être différés dans le temps », alerte la Haute Autorité de santé (HAS) qui publie une fiche pour prévenir cette souffrance et orienter les professionnels « soumis à de multiples facteurs stressants, voire traumatisants ».
Le document s’intéresse aux personnels de santé au sens large : des soignants aux encadrants et effectifs des services support, des administratifs aux personnels des services funéraires, des services sociaux et médico-sociaux aux institutionnels. Plusieurs leviers sont identifiés pour réduire l’impact des conditions de travail difficiles, mais aussi l'exposition à l’anxiété et l’épuisement.
Réduire l’impact des conditions de travail difficiles
Il s’agit d’abord d’assurer la sécurité des personnels par la fourniture d’équipements de protection (masques, gels hydroalcooliques, blouses, etc.), mais aussi en favorisant la télésanté, déjà préconiséé par l'agence sanitaire. Pour les intervenants à domicile, la sécurité passe par la constitution de binômes de professionnels qui pourront ainsi se relayer, se soutenir et renforcer les procédures de sécurité.
Un autre axe relève de l’organisation, alors que de grands bouleversements sont intervenus dans l’urgence. La HAS en appelle ainsi à formaliser les missions et tâches des intervenants, à lever les ambiguïtés sur les rôles de chacun et à limiter les modifications d’affectation. Il est également recommandé d’associer personnel expérimenté et personnel nouveau, moins expérimenté ou de renfort et d’alterner les fonctions plus stressantes et moins stressantes.
Organiser le dialogue et informer
Des moments de contact réguliers doivent être institués pour « discuter des décisions prises, des questions d’éthique, et des éventuelles difficultés rencontrées », mais aussi au moment des prises de fonction et à la fin de celles-ci. La création d’espaces de détente accessibles sur le temps de travail et le respect de temps de pause sont encouragés.
L’effort doit par ailleurs être maintenu en matière d’information sur la situation actuelle et à venir, sur les attentes en matière de disponibilité, de normes et de précautions. L’effort porte aussi sur la formation afin de « renforcer les compétences des personnels intervenant auprès des patients souffrant du Covid-19 et ainsi assurer des soins de qualité », mais aussi sur les protocoles de soins palliatifs, dont les équipes doivent être renforcées.
Une attention spécifique est d’ailleurs à porter aux professionnels confrontés aux « restrictions dues à l’isolement, incluant les situations de fin de vie ». Le soutien psychosocial du patient ne saurait reposer sur le seul professionnel, interpelle la HAS. Des initiatives sont à mettre en place pour accompagner le patient et les familles (soutien psychologique, soins palliatifs, etc.) et permettre la communication.
Un « sas de décompression » avant le retour à la normale
Pendant cette période de retour à l’activité habituelle, les dispositifs de soutien (hotline notamment) et l’appui logistique (hébergement, transport, garde d’enfants, restauration, etc.) doivent être maintenus, selon la HAS. Une période de transition est recommandée. Ce « sas de décompression (sur le temps de travail) composé de temps de détente, d’activité physique et d’échange groupal pour aider à l’élaboration de l’expérience vécue (sur le modèle du sas de fin de mission de l’armée) » peut être encadré, si besoin, par un intervenant extérieur. À plus long terme, il est question de « considérer de façon collective et concertée une reconnaissance financière, statutaire, d’évolution de carrière, etc. ».
Repérer les signes de détresse chez soi et chez les autres
Le message de la HAS s’adresse également directement aux professionnels, invités à ne pas s’isoler professionnellement (surtout les libéraux), à séparer les sphères professionnelles et privées, à respecter des temps de repos et à maintenir une bonne hygiène de vie. Il leur est conseillé, si ce n’est pas le cas, de choisir un médecin traitant.
Dans cette période inédite, les professionnels sont aussi invités à pratiquer l’autocompassion, à ne pas se juger, ni se faire de reproches. « Cette situation est sans précédent ; il est normal de ne pas aller bien, rappelle la HAS. Le fait de ressentir des symptômes de stress ne signifie pas que l’on n’est pas à la hauteur du travail, cela signifie que l’on est humain ».
Ces signes de détresse psychologique doivent être repérés par les professionnels, pour eux-mêmes et pour leurs collègues : difficultés à dormir, consommation excessive de substances psychoactives, signes de somatisation, émotions négatives, perturbations de l’attention, de la concentration et de la mémoire, baisse d’efficacité, etc.
Les idées suicidaires, en particulier, « sont un signal d’alarme qui justifie une prise en charge urgente », insiste la HAS, qui invite à contacter le service des urgences psychiatriques ou la cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP), en cas de « risque avéré et imminent ».
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024