Cas de conscience

« Mais vous êtes fou… » Dans le dernier film d'Audrey Diwan, Pio Marmai campe un dentiste réputé qui s'avère un cocaïnomane invétéré. On est au cinéma bien sûr. Mais parfois la réalité dépasse la fiction. Dans les années 70, une histoire avait ainsi glacé l’opinion : le geste fou d’un médecin francilien en pleine décompensation devait causer la mort d’un garçonnet que sa mère avait amené à la consultation… Plus près de nous, la récente affaire de Besançon dans laquelle un anesthésiste est mis en examen pour empoisonnement ou celle de la maternité d'Orthez impliquant une consoeur en état d'ébriété rappellent que, pour exceptionnels qu’ils soient, de tels « faits divers » peuvent avoir des conséquences monstrueuses. Cela interpelle tout le monde : les autorités sanitaires ou judiciaires, mais aussi la profession dans son ensemble ; car il en va de la réputation de celle-ci et de la sécurité des patients.

Question de confraternité dérangeante : selon le code de déontologie, chaque médecin ne doit-il pas être en mesure de prévenir un confrère défaillant et le cas échéant de le signaler pour l'empêcher de nuire ? Et de fait, l’Ordre dispose depuis cinq ans d’un dispositif de sanction de l’insuffisance professionnelle qui est censé statuer sur les praticiens qui pourraient poser problème, parce que sous formés, trop âgés ou trop malades pour exercer encore. Le processus ne fonctionne pas trop mal; notre enquête le suggère. Mais de l’avis général, il est sous utilisé, faute évidemment de « candidats » pour y comparaître ou de pairs pour les désigner… Demain, il pourrait être utilement complété par une recertification qui concernera à terme tous les médecins. Mais on pourrait imaginer d’aller plus loin en étendant certains dispositifs de prévention expérimentés ces dernières années. Ou en proposant – pourquoi pas ?- à certains confrères hors des clous une honnête reconversion.