Le Parlement a adopté définitivement le 16 décembre, par un ultime vote du Sénat, la délicate réforme du régime d'irresponsabilité pénale. Une réforme demandée par Emmanuel Macron en réponse à l'affaire Sarah Halimi, du nom de cette sexagénaire juive tuée en 2017 par son voisin, en proie à une bouffée délirante aiguë, et par ailleurs gros consommateur de cannabis.
Exception à l'irresponsabilité
Le texte de compromis auquel sont arrivés députés et sénateurs en commission mixte paritaire exclut du dispositif d'irresponsabilité pénale une personne dont l'abolition temporaire du discernement ou du contrôle de ses actes lors du crime résulte d'une consommation volontaire, dans un temps très voisin de l’action, de substances psychoactives dans le dessein de commettre l’infraction. Cette exception a vocation à s'appliquer par exemple à des terroristes qui se drogueraient juste avant leur passage à l'acte. « On ne juge pas et on ne jugera pas les fous », a martelé le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti.
Députés et sénateurs se sont longuement opposés sur l'instance à même de juger les situations d'irresponsabilité - alors qu'aujourd'hui, la déclaration d'irresponsabilité est prononcée lors de l'instruction (après débat public et contradictoire). Les psychotiques auteurs de crime doivent-ils être traduits devant un juré populaire, donnant ainsi aux victimes « un vrai procès » ? Les sénateurs le souhaitaient, les députés s'y opposaient. La loi finale prévoit qu'en cas de divergences entre experts psychiatres (entre abolition ou altération), la question de la responsabilité ou de l'irresponsabilité pénale sera jugée par les juridictions compétentes (tribunal correctionnel, pour un délit, cour d'assises, pour un crime). Mais ceci, à huis clos, avant le jugement de l'affaire le cas échéant (si l'auteur est reconnu responsable).
Il n'y aura « pas de justice spectacle », a salué le rapporteur au Sénat Loïc Hervé (Union centriste), vantant une « position d'équilibre ».
Nouvelles peines sanctionnant la consommation de toxique
Dernière évolution (qui aurait pu s'appliquer à l'affaire Halimi), la loi crée des peines spécifiques sanctionnant la consommation de toxiques, même lorsque la personne est déclarée irresponsable du crime ou du délit commis : 10 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende pour une consommation de toxiques dans le cadre d'un crime (homicide), voire 15 ans en cas de récidive ; et de 2 à 7 ans quand il y a eu tortures, actes de barbarie, et violences, voire 10 ans pour un viol avec tortures. « Il ne s'agit pas de réprimer l'acte commis mais l'absorption volontaire de psychotropes », résume le garde des Sceaux et ancien avocat.
« Le droit des victimes sera respecté, c'est ce qu'elles attendaient », souligne la sénatrice (UC) Nathalie Goulet, qui avait fait adopter en mai par le Sénat sa propre proposition de loi sur le sujet. La rapporteure Naïma Moutchou (LREM), autrice d'une mission sur le sujet, s'est félicitée de cet « accord final sur un sujet qui a profondément ému la Nation ». Si la droite soutient le projet de loi, à l'inverse, la gauche s'y oppose et entend déposer des recours devant le Conseil constitutionnel.
Le député Ugo Bernalicis (LFI) critique une « loi de circonstance pouvant produire une entorse au principe d’irresponsabilité pénale ». « Le texte n’apporte pas de garanties s’agissant de la permanence des soins que requiert l’état mental de la personne déclarée irresponsable », relève Lamia El Aaraje (PS). Quant aux psychiatres, ils se montraient réticents envers le projet, alertant surtout sur les difficultés structurelles de l'expertise psychiatrique, qui vient d'être à peine revalorisée.
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