LES URGENCES MÉDICO-JUDICIAIRES (UMJ) de l’Hôtel-Dieu à Paris ont principalement deux missions : déterminer si l’état de santé d’une personne en situation de garde à vue est compatible avec le maintien de la garde à vue dans les locaux de police et mesurer l’incapacité totale de travail (ITT) d’une victime. Au sein des UMJ, ce travail est réalisé par des médecins légistes et par des psychiatres. « Toute personne gardée à vue a droit à un examen médical au cours de sa garde à vue. La question posée au légiste est celle de savoir si son état de santé somatique est compatible avec une garde à vue dans des locaux de police ou de gendarmerie », explique le Dr Nicolas Dantchev, chef du service de psychiatrie de l’Hôtel-Dieu.
Le rôle des UMJ est aussi de se prononcer sur la compatibilité psychiatrique. « Il y a deux possibilités. La réquisition pour un avis psychiatrique peut d’abord être demandée par un officier de police judiciaire si celui-ci est alerté par une anomalie de comportement du gardé à vue. La demande peut aussi venir du somaticien (légiste) s’il se rend compte, lors de son examen, que la personne présente des troubles psychiatriques. Dans ce cas, il contacte l’officier de police judiciaire pour obtenir une réquisition psychiatrique », souligne le Dr Dantchev.
La question, posée au psychiatre, est relativement simple : le gardé à vue présente-il des troubles psychiatriques nécessitant des soins urgents ? « Si on répond par la négative, le gardé à vue repart dans les locaux de police. Si la réponse est positive, la personne est orientée dans une filière de soins et la garde à vue peut éventuellement être suspendue », explique le Dr Dantchev, en reconnaissant que, de ce fait, dans certaines affaires sensibles certains officiers de police judiciaire sont un peu réticents à accepter des réquisitions pour avis psychiatriques.
En cas de réquisition, la difficulté pour le psychiatre est, parfois, de connaître les antécédents médicaux du gardé à vue. « Si le patient est coopérant, cela peut aller assez vite. Mais si on est face à quelqu’un de mutique, ce n’est pas simple : il faut rechercher les antécédents d’hospitalisation. Il est aussi important de connaître la raison de la garde à vue. Ce n’est pas le même contexte si la personne a commis un vol à la tire ou un homicide. Il faut demander des informations aux enquêteurs si celles-ci n’accompagnent pas la réquisition », souligne le Dr Dantchev.
Conséquences d’une agression.
L’autre grande mission des UMJ est de se prononcer sur les conséquences d’une agression pour les victimes. « Il faut déterminer l’ITT, qui est l’unité de mesure de la gravité de l’infraction. À la différence du droit anglo-saxon, on ne mesure pas en France la gravité du délit à l’intentionnalité de l’agresseur, mais aux conséquences physiques ou psychiques de l’agression pour la victime. L’avis du médecin légiste est très important car il conditionne la suite de la procédure : en dessous de 8 jours d’ITT, le prévenu est renvoyé vers le tribunal de police où il encourt une simple amende alors qu’au-delà de 8 jours, c’est un délit jugé par le tribunal correctionnel », explique le Dr Dantchev, en précisant que les légistes ont un barème très encadré pour fixer ces ITT.
La tâche est un peu plus complexe pour les conséquences psychiques. « Prenons l’exemple d’une victime d’un braquage dans une banque. Le plus souvent, la victime n’a pas de lésions physiques, mais il peut y avoir un traumatisme psychologique fort. Le problème est qu’il n’est pas toujours facile d’évaluer l’ampleur de ce traumatisme quand on voit la victime dans les heures qui suivent l’agression. Dans certains cas, la victime est tellement massivement perturbée qu’on peut prévoir qu’elle n’ira pas vraiment mieux dans les huit ou quinze prochains jours. Mais dans la plupart des cas, il est impossible de prévoir comment l’état de la victime va évoluer. La seule manière de déterminer l’ITT de manière rigoureuse est donc de l’évaluer a posteriori. À l’Hôtel-Dieu, nous avons donc pris le parti, à chaque fois que cela nous semble utile, de déterminer l’ITT à plus de 8 jours des faits. Cela n’est pas toujours bien accepté par les institutions policière ou judiciaire qui ont souvent des impératifs de rapidité dans la mise en œuvre des procédures », indique le Dr Dantchev.
Qui décide de l’opportunité de faire une ITT psychologique ? « Tout est laissé à l’appréciation de l’officier de police judiciaire. Cela dépend donc de sa sensibilité personnelle par rapport à la souffrance psychologique des victimes. Il y a quelques années, les policiers ne demandaient des ITT psychologiques que pour un certain type de victimes : principalement les victimes d’agressions sexuelles ou de braquage. Aujourd’hui, la pratique s’est banalisée et les demandes d’ITT psychologiques deviennent de plus en plus systématiques », souligne le Dr Dantchev.
D’après un entretien avec le Dr Nicolas Dantchev, chef du service de psychiatrie de l’Hôtel-Dieu, Paris.
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