L’OMS estime que 350 millions de personnes à travers le monde souffrent de dépression et qu’elle est la cause principale d’invalidité parmi toutes les pathologies répertoriées.
Si les pays en développement sont les plus durement touchés, notamment en raison de la faiblesse de leurs systèmes de santé, les plus favorisés n’échappent pas à un phénomène que le magazine britannique, The Economist, n’hésite pas à qualifier de « crise globale ». Une notion qui a d’ailleurs servi de titre à la conférence que l’hebdomadaire a organisée à Londres fin novembre, réunissant pour l’occasion de nombreux experts internationaux ainsi que des acteurs du monde économique particulièrement concernés par la question.
Les chiffres de l’incidence de la dépression sur l’activité économique sont éloquents : en Europe, chaque année, la dépression touche 33 millions de personnes (22 millions de femmes) et engendre un coût global estimé à hauteur de 100 milliards d’euros, majoritairement distribué de manière indirecte. Près de 60 % de ce coût est en effet directement supporté par les entreprises sous la forme de jours d’absence pour maladie et de perte de productivité engendrée par les dysfonctionnements cognitifs que présentent les travailleurs atteints par un syndrome dépressif.
Seulement 10 % des malades sont pris en charge correctement
De l’avis de la grande majorité des spécialistes présents, la prise en charge globale de la dépression en Europe, et plus largement dans les pays développés, est largement défaillante. Pour Hans-Ulrich Wittchen, directeur de l’Institut de psychologie clinique et de psychothérapie de Dresde (Allemagne), cette situation est d’autant plus inacceptable qu’ « il existe des outils de diagnostic fiables et des traitements efficaces pour dépister et lutter contre la dépression ».
Une étude de l’OCDE parue en 2014 et menée à l’intérieur de ses pays membres montre ainsi que 56 % des personnes touchées par la dépression ne reçoivent pas le traitement dont ils ont besoin. Une proportion qu’une étude épidémiologique menée en 2011 en Europe par une équipe allemande ramène, pour les traitements de première intention, aux alentours de 10 %. Pour H-U Wittchen, le coût direct des traitements (moins de 5 % du coût global) et leur disponibilité dans les pays développés ne sont pas en cause : « Cette déficience est en grande partie due au manque de ressources humaines et de temps consacré à la prise en charge de cette maladie. »
Renforcer la prévention au travail
Face au constat que, même au sein des pays possédant les systèmes de santé les plus performants, la dépression continue d’être sous-traitée, prise en charge de manière trop tardive, voire ignorée, l’ensemble des acteurs a appelé à la mise en œuvre rapide et massive de mesures adaptées. Avec en tête, la prévention au sein du milieu professionnel. Une enquête de l’European Brain Council datant de 2011 montre d’ailleurs que 43 % des chefs d’entreprise demandent que la législation soit renforcée afin de mieux protéger les salariés contre les risques psychosociaux. Deux pays ont déjà œuvré dans ce sens.
La Commission de la santé mentale du Canada vient ainsi de mettre en œuvre une « norme nationale sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail ». D’application volontaire, elle a pour objectif de fournir aux employeurs canadiens des lignes directrices systématiques pour leur permettre de « créer et d’améliorer sans cesse des milieux professionnels psychologiquement sains et sécuritaires pour leurs employés ». Au Royaume-Uni, le programme « Time to change », sous-titré « Pour en finir avec la discrimination envers les personnes souffrant de maladies mentales », est déjà déployé au sein de l’administration britannique et est adopté par une part toujours croissante d’entreprises privées. Il vise notamment à ce que la notion de souffrance psychologique puisse être abordée librement et intégrée au sein des grilles d’évaluation utilisées par les managers.
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