« Nous sommes le premier pays à avoir aboli les hôpitaux psychiatriques ». C’était le 13 mai 1978 et le parlement italien venait d’approuver la loi Basaglia, un dispositif décrétant la fermeture des asiles. À l’époque, plus de 89 000 patients étaient hospitalisés dans les quelque 98 structures psychiatriques réglementées par une loi approuvée en 1904 pour encadrer les asiles et leur accorder un statut légal.
Au siècle dernier, toute personne considérée comme dangereuse pour la société pouvait être internée, parfois à vie, sur une simple dénonciation ou sur la foi d'un certificat médical établi par un médecin complaisant. Selon les archives du ministère de la Santé, 293 enfants de moins de 4 ans et 2 468 âgés de 5 à 14 ans ont été internés dans des conditions épouvantables à l’Hôpital romain Sainte Marie de la Piété de 1913 à 1974. La malnutrition, le manque d’hygiène, la surpopulation, les électrochocs et les camisoles de force faisaient partie de l’ordinaire, même pour les enfants.
En 1968, les choses commencent à bouger. Le ministre de la Santé socialiste Luigi Mariotti qui compare les hôpitaux psychiatriques à des camps de concentration, réussit à faire passer un premier projet de loi interdisant certaines pratiques au niveau de soins qualifiés de médiévaux. Dix ans plus tard, le débat sur les hôpitaux psychiatriques italiens prend un nouveau tournant après la sortie en salle d’un documentaire récompensé au Festival de Berlin en 1976 par le Grand Prix du Jury.
En 1978, l’Italie décide enfin de tourner la page sur les asiles de fous. Les critères d’hospitalisation sont réécrits. Les asiles spéciaux réservés aux criminels sont remplacés par des hôpitaux psychiatriques judiciaires (OPG) à leur tour abolis le 31 mars 2015. Ils seront remplacés par les résidences de sécurité (REMS) pouvant accueillir au maximum une vingtaine de personnes. Autre nouveauté : le traitement sanitaire obligatoire (TSO) pour les patients « qui présentent des altérations de leurs facultés mentales ». Enfin, les hôpitaux psychiatriques sont fermés et la gestion des nouvelles structures, plus petites et plus conformes, aux nouveaux critères de la psychiatrie, est confiée aux agences de santé régionales.
Faire sortir les professionnels des hôpitaux
« L’idée était d’intervenir au niveau du territoire, de faire sortir les professionnels de santé des hôpitaux et de suivre les patients dans leur environnement pour mieux les accompagner et les réinsérer, c’était un projet extraordinaire » explique le Pr. Patrizio Bernini, ex chef de service du département de psychiatrie de l’Hôpital Saint Jean de Rome. À la fin des années 90, le processus de transformation est finalement achevé. Tous les hôpitaux psychiatriques sont remplacés par des centres de santé mentale (CSM), des centres psychiatriques de jour destinés aux patients qui dorment chez eux. Des structures résidentielles sont créées pour les séjours médicaux prolongés et des services psychiatriques de diagnostic et de soins (SPDC), c'est-à-dire des départements hospitaliers psychiatriques ouverts 24 heures sur 24, sont mis en place. Des solutions de cohabitation pour les patients autosuffisants mais avec un accompagnement médical sont mises en place. Au chapitre des structures judiciaires, le principe de l’enfermement de type carcéral en structure psychiatrique est remplacé par celui de l’assistance médicale.
Mais le système fonctionne-t-il vraiment ? Le débat fait rage car les critiques sont nombreuses, notamment en ce qui concerne les modalités du traitement sanitaire obligatoire qui peut devenir violent et provoquer le décès du patient comme dans le cas du turinois Andrea Soldi mort par hypoxie en 2015. L’un des problèmes essentiels concerne le manque d’investissement et l’inégalité des soins à l’échelle régionale souligne le Dr Filippo Jacopini, psychothérapeute hospitalier : « Au manque de moyens financiers et de personnel, s’ajoute la disparité entre les régions. Le système de santé italien repose sur la décentralisation et toutes les régions n’ont pas les mêmes budgets, du coup, on va avoir des régions nettement plus performantes et d’autres un peu moins, cela veut dire que des patients doivent être déplacés, ce qui n’est pas un bien d’un point de vue médical car il faudrait éviter de les retirer de leur contexte ».
Manque de fonds et de personnel, disparités régionales, les mots sont lâchés. Selon les données du ministère de la Santé, durant les trois dernières années, le nombre de professionnels de santé est en constante diminution car les départs en retraite ne sont pas remplacés toujours par manque d’argent et de programmation sur le moyen terme. Il manquerait dans l’immédiat, au moins 2 000 psychiatres, 1 500 psychothérapeutes, 5 000 infirmiers et 1 500 thérapistes de la réhabilitation psychiatrique sans compter les assistants sociaux. « Il faut rapidement renouveler l’organisation, les financements, le recrutement du personnel et revoir les relations entre les agences de santé et les autorités judiciaires pour construire un nouveau modèle tenant compte des grands changements sociaux, épidémiologiques et psychopathologiques des dernières années » préconise pour sa part la Société italienne de Psychiatrie (SIP).
Exergue : Le débat a pris un tour nouveau grâce à un documentaire récompensé au Festival de Berlin en 1976.
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