« Aujourd’hui, les tentatives de suicide et les décès par suicide à l’adolescence restent un problème de santé publique majeur », souligne la Pr Marie-Rose Moro, chef de service à la maison de Solenn-Maison des adolescents de l’hôpital Cochin à Paris. Ce constat est confirmé par un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la santé des adolescents, rendu public en mai dernier. Ce document souligne que le suicide est la troisième cause de décès dans le monde derrière les accidents de la route et le VIH/sida. En France, une étude de l’Institut de veille sanitaire (InVS), publiée en septembre et portant sur la période 2004-2011, souligne que 70 000 personnes sont hospitalisées chaque année en France pour une tentative de suicide. « Les adolescentes sont particulièrement concernées », souligne l’InVS, en précisant que le taux d’hospitalisation pour tentative de suicide est de 43 pour 10 000 chez les adolescentes de 15 à 19 ans, contre 17,7 pour 10 000 habitants au niveau de la population générale.
La Pr Moro souligne pourtant que, ces dernières années, des progrès ont été enregistrés en France. « Le taux de décès par suicide des adolescents et des jeunes adultes a diminué de 10 % entre 2000 et 2011. Depuis, cela s’est stabilisé », indique-t-elle, en émettant une hypothèse sur les raisons de cette évolution. « Je veux croire que cela est lié aux gros efforts institutionnels qui ont été déployés pour mieux accueillir les jeunes en souffrance, notamment dans les maisons des adolescents réparties dans toute la France ».
Autre constat : à l’adolescence, les idées suicidaires sont particulièrement fréquentes. « Selon les études, cela touche entre un adolescent sur cinq ou sur huit, indique le Pr Moro. Les études montrent aussi que, dans la très grande majorité des cas, un adolescent, qui fait une tentative de suicide, a déjà vu dans les semaines précédentes un professionnel de santé : le plus souvent un généraliste, un pédiatre ou une infirmière. Ces adolescents sont allés consulter pour des motifs divers (maux de ventre, mal-être scolaire…) et le professionnel n’a peut-être pas été en mesure de détecter les idées suicidaires chez ce jeune patient. Peut-être aussi que le jeune a exprimé ces idées d’une manière ou d’une autre mais que le professionnel a estimé que cela était lié à la crise d’adolescence ».
Une prise en charge souple et durable
Or, selon la Pr Moro, toute expression d’une idée suicidaire chez un adolescent doit être prise en considération. « Il y a une sorte d’idée reçue, y compris parmi les professionnels de santé, selon laquelle un adolescent, qui exprime une idée suicidaire, ne passera jamais à l’acte, explique-t-elle. Ce qui est complètement faux. Si un adolescent confie son envie de mourir, cela signifie que cette idée est très intense chez lui. Cela doit donc être pris au sérieux. Face à un adolescent qui ne va pas bien, le professionnel ne doit pas non plus hésiter à rechercher d’éventuelles idées suicidaires si ce jeune ne les exprime pas. Ce n’est pas parce qu’on pose la question qu’on va mettre cette idée dans la tête de l’adolescent ».
Ensuite, si l’adolescent exprime une idée suicidaire, il convient d’évaluer la situation en s’adressant à lui de manière spécifique. « Il faut s’adresser à lui comme à un adolescent. Il ne faut pas lui parler comme à un enfant qu’il n’est plus ou comme à un adulte qu’il n’est pas encore. Il faut aussi voir si ce jeune est ou non en dépression, s’il se trouve dans une impasse existentielle. Il faut aussi évaluer le contexte familial », indique la Pr Moro, en soulignant l’importance d’offrir à ce jeune une prise en charge souple et durable. « C’est important de lui montrer qu’on se fait du souci pour lui. Aujourd’hui, certaines équipes ont recours aux nouvelles technologies. Avant d’arriver à la Maison de Solenn, j’ai créé une autre Maison des adolescents, Casita, à l’hôpital Avicenne à Bobigny. Et nous avions mené une action auprès des jeunes hospitalisés aux urgences après une tentative de suicide. On leur proposait de continuer à prendre des nouvelles d’eux par des SMS réguliers. Ce n’était pas une manière d’exercer un contrôle mais une façon de maintenir le lien, de montrer que nous avions un projet pour eux qui s’inscrivait dans la continuité ».
D’après un entretien avec la Pr Marie-Rose Moro, professeur de pédopsychiatrie à Paris-Descartes et chef de service à la maison de Solenn-Maison des adolescents de l’hôpital Cochin à Paris (www.maisondesolenne.fr). La Pr Moro est l’auteur de « Les ados expliqués à leurs parents », édition Bayard
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