En huit ans, c’est la troisième visite que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a consacrée, début octobre, au centre hospitalier de Mayotte (CHM), situé à Mamoudzou. Et le bilan est sans appel : « La majorité des constats de 2016 reste d’actualité et la prise en charge des personnes hospitalisées sans leur consentement en psychiatrie s’est encore dégradée », lit-on dans un rapport rendu public ce 27 novembre. Il est assorti de deux autres réquisitoires relatifs au centre pénitentiaire de Majicavo et au centre de rétention administrative de Pamandzi, pour lesquels est aussi fait « le constat de conditions d’enfermement et de prise en charge gravement attentatoires aux droits fondamentaux et à la dignité des personnes enfermées ».
À l’hôpital, le seul de ce département de 376 km2 qui a vu sa population doubler en vingt ans (jusqu’à recenser 321 000 personnes au 1er janvier), les contrôleurs ont contrôlé l’unité de psychiatrie, le service des urgences ainsi que les trois chambres dites carcérales situées dans les services d’hospitalisation du CHM.
Un manque de moyens indigne
Premier constat : « le sous-dimensionnement chronique de l’offre d’hospitalisation complète en psychiatrie entraîne des atteintes particulièrement graves aux droits fondamentaux des patients placés en soins sans consentement ou sous-main de justice et les met en danger », est-il indiqué.
L’unité de psychiatrie ne compte que 10 lits, comme en 2016 ; et aucun pour les mineurs, qui, lorsqu’ils ont plus de 16 ans, sont hospitalisés chez les adultes, ce qui est régulièrement dénoncé. La psychiatrie n’a droit qu’à un budget de 12 millions sur les 340 du budget global du CHM. « La part consacrée à cette spécialité semble s’éroder chaque année en l’absence de projet de service et de réalisation des projets annoncés ». Sur les 11 équivalents temps plein (ETP) de médecins psychiatres budgétés, seuls 4,2 étaient effectivement pourvus et le département se caractérise par une quasi-absence de psychiatres libéraux.
Aux urgences, les patients attendent enfermés dans l’une des deux chambres d’isolement ou sont contenus sur un brancard dans un couloir pendant parfois 72 heures, sans accès permanent à un point d’eau ni à des toilettes. En psychiatrie, seulement trois des sept chambres disposent de sanitaires. Ces dernières n’ont qu’un lit métallique en guise de mobilier ; aucune n’a de clé sur la porte, ni de bouton d’alarme. « Ces conditions de séjour matériellement indignes ne respectent ni la sécurité ni la vie privée des patients. »
Sur le plan médical, seule la crise est traitée, avec des moyennes de séjour anormalement raccourcies (de 7 à 9 jours en 2023, contre plus de 12 en 2021) et un taux de réhospitalisation qui s’élève à 50 %. Par ailleurs, les prescriptions médicamenteuses ne sont pas systématiquement contrôlées par le pharmacien quand elles sont disponibles à l’hôpital. Faute de quoi, les infirmiers doivent se rendre en ville pour éviter les ruptures de traitement. Les patients ne bénéficient d’aucun examen somatique.
Illégalité des mesures de contention et d’isolement
Le CGLPL dénonce enfin l’illégalité dans laquelle sont prises les mesures d’isolement et de contention. Matériellement, aucune des deux chambres d’isolement de l’unité psychiatrique, ni des deux autres utilisées comme pis-aller aux urgences, n’a de bouton d’appel, d’horloge ou de papier hygiénique. Le patient ne peut allumer ou éteindre la lumière, ni tirer sa chasse d’eau, il est exposé à la vue de tous ou sous vidéosurveillance, et contraint de porter une chemise d’hôpital.
Alors que chaque mesure de contention et d’isolement doit être tracée dans un registre (depuis 2018 !), le CHM n’en dispose pas, ni en psychiatrie, alors qu’il a été indiqué que « les isolements sont relativement fréquents et pouvaient dépasser une durée de 48 heures », ni aux urgences. « En l’absence de registre, les autorités de contrôle, dont le CGLPL, ne peuvent déterminer si les mesures d’isolement et de contention sont une pratique de dernier recours et les professionnels ne peuvent pas les analyser. Ceci est d’autant plus problématique que la consultation des dossiers des patients révèle que l’isolement est indiqué comme étant une prescription et non une décision médicale », lit-on. Aucune politique d’alternative aux pratiques d’isolement et de contention n’est mise en œuvre dans l’établissement, dépourvu d’espace d’apaisement. Et le contrôle du juge des libertés et de la détention en matière d’isolement et de contention est inexistant : le CHM est donc dans une « situation d’illégalité manifeste ». Le CGLPL accuse : « Le cadre juridique des mesures d’isolement et de contention n’est globalement pas connu des soignants comme des médecins. » Et de recommander des formations sur les lois de 2016 et 2022. Plus largement, l’information donnée aux patients est inexistante et l’établissement ne possède pas de commission départementale des soins psychiatriques, ni de représentation très solide des représentants des usagers.
Dans son courrier au Premier ministre, la Contrôleure générale Dominique Simonnot déplore que « la majorité des atteintes aux droits semble être la conséquence d’une méconnaissance massive et (…) systématique du droit en vigueur, tant des services opérationnels que des titulaires du pouvoir de décision ». Et regrette que les précédentes recommandations du CGLPL remontant à 2016 et 2019 soient restées lettre morte.
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