« Je suis un malade mental » : Nicolas Demorand, présentateur de la première matinale radio de France, sur France Inter, a levé le voile ce 26 mars sur le fait qu'il était bipolaire, sujet « intime et douloureux » auquel il consacre un livre.
« Comme des centaines de milliers de Français, je suis bipolaire. Bipolaire de type 2. J'alterne des phases d'euphorie et des périodes de dépression mais je suis soigné », a expliqué le journaliste de 53 ans dans une chronique au début de sa matinale. « Oui, je suis un malade mental : c'est cru, c'est violent à dire et sûrement à entendre, mais je ne veux plus le cacher ni ME cacher », a-t-il expliqué, alors que sort ce 28 mars son livre Intérieur nuit, aux éditions les Arènes, dans lequel il dévoile « être bipolaire depuis 30 ans mais avoir été diagnostiqué il y a huit ans ».
« Si je me suis tu si longtemps, c'est parce que la maladie mentale fait peur. Parce que la maladie mentale reste une maladie honteuse. Et oui, j'avais honte », a-t-il poursuivi. « La maladie est pour moi un état, j'ai décidé maintenant d'en faire un combat », a-t-il souligné. Un combat qu’il veut mener « pour tous ceux, des milliers, des centaines de milliers, des millions peut-être, qui souffrent en silence alors qu'il est possible de vivre et de travailler avec une maladie mentale. » La santé mentale est la grande cause nationale 2025 en France.
Environ 1 à 2,5 % de la population concernée
En France, on estime que le trouble bipolaire touche entre 1 % et 2,5 % de la population, proportion « très certainement largement sous-évaluée », selon la Haute Autorité de santé (HAS).
Ces dernières années, de nombreuses célébrités ont annoncé en souffrir, parmi lesquels les chanteurs américains Kanye West et Mariah Carey, l'actrice britannique Catherine Zeta-Jones, l'acteur belge Benoît Poelvoorde, ou dès 2009, le peintre français Gérard Garouste dans son livre L’Intranquille. Décédé en mars 2024 à 68 ans, l'animateur français Sylvain Augier avait lui aussi raconté sans fard son combat contre cet « ennemi redoutable » dans le livre Je reviens de loin.
Ces prises de parole publiques sont saluées par les médecins spécialistes des maladies mentales, qui les jugent importantes pour changer le regard de la société sur ces pathologies et permettre une meilleure prise en charge. Le « coming out en santé mentale » de Nicolas Demorand, « figure médiatique mais pas artistique », donne « une nouvelle visibilité pour modifier la représentation de la maladie », juge le Dr Jean-Victor Blanc, fondateur du festival « Pop & Psy ». Car « les troubles psychiques restent stigmatisés, ce qui oblige des patients à l'omerta, parfois même dans leur couple », souligne ce médecin. « La libération de la parole est très positive, cela peut casser quelques clichés sur les personnes souffrant de troubles psychiatriques, les soignants et les lieux de soins », abonde le Dr Gilles Martinez, chef de service psychiatrie adulte au GHU Paris psychiatrie-neurosciences.
Anciennement appelés « psychoses maniaco-dépressives », les troubles bipolaires font alterner phases maniaques et dépressives, entrecoupées souvent de périodes sans symptômes. « La dépression, c'est la tristesse, le ralentissement psychomoteur, l'anxiété, la fatigue ; l'épisode maniaque, un état d'excitation psychomotrice, où l'on va se sentir très en forme sans besoin de dormir, très euphorique, avec une pensée accélérée et des projets parfois farfelus, au risque de se mettre en danger par exemple avec des dépenses inconsidérées », explique à l'AFP le Dr Martinez.
On distingue parfois troubles bipolaires de type 1 (un ou plusieurs épisodes maniaques accompagnés ou non d'épisodes dépressifs majeurs) et 2 (au moins un épisode dépressif majeur avec une phase maniaque atténuée), celui évoqué par Nicolas Demorand.
La pathologie débute majoritairement entre les dernières années d'adolescence et les premières de l'âge adulte, phase de maturation du cerveau. Mais « il y a encore beaucoup de retard au diagnostic : huit ans en moyenne », selon le Dr Martinez. Cette maladie peut notamment être confondue avec d’autres pathologies, dont la dépression (alors que les thérapeutiques médicamenteuses sont différentes). Or une prise en charge tardive est associée à un moins bon pronostic, médical et social. Des prédispositions génétiques existent (avec un surrisque de développer un trouble plus élevé de 10 % quand un parent est concerné) mais elles n’expliquent pas tout et se conjuguent à des facteurs environnementaux comme le stress chronique, des traumas précoces ou la rencontre avec des toxiques comme l'alcool ou la drogue. Quant à la prise en charge, elle repose sur des thymorégulateurs (dont le lithium) mais aussi la psychothérapie et l’éducation thérapeutique.
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