Psychiatrie et justice

Un dialogue indispensable

Publié le 15/12/2010
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

DE NOMBREUX thèmes d’actualité ont été abordés lors de la première journée scientifique organisée par le CRIR AVS PACAC et la Clinique universitaire de psychiatrie et de psychologie Médicale (hôpital Sainte-Marguerite) sur le thème : « Apports des neurosciences au confluent de la psychiatrie et de la justice ». Parmi les questions abordées : « Que penser du concept de personnalité pathologique ? », « Le concept de psychopathie revisité par les neurosciences », « Le scanner au tribunal : vers un recyclage des experts psy ? » ou encore « Le législateur et le psychopathe: la régulation juridique de la violence ». De nombreux experts ont été entendus pour essayer de favoriser la discussion. « La psychiatrie est aujourd’hui traversée par de multiples courants qui, bien que ne traitant pas les mêmes aspects et procédant de théories différentes, parfois s’affrontent et le plus souvent s’ignorent, explique le Dr Mireille Bonierbale, de l’équipe du CRIR PACAC. Cette journée s’inscrit dans une volonté de dialogue entre les différents champs de recherches et de pratiques, autour d’un thème sensible. Car si l’on attend des réponses de la part de la science et des neurosciences, la recherche en psychiatrie reste compliquée et peu de certitudes scientifiques ont jusqu’ici été démontrées dans le domaine des auteurs de violences sexuelles. »

Par exemple, la question de l’existence d’un gène de la violence fait depuis longtemps débat. Ici, l’invitation d’un généticien, le Pr Pierre Roubertoux, en raison de ses travaux sur l’hypothèse d’un gène de la violence paraît presque une provocation. « On a pu penser qu’ils étaient impliqués, ceux portés par le chromosome Y, liés aux neuromédiateurs excitateurs, aux androgènes, à la sérotonine », dit-il d’emblée. Mais il ajoute que « les liens entre gènes et phénotypes ne sont pas linéaires. »Tous ces processus sont complexes. S’il est possible de mettre en évidence le rôle des gènes dans l’agression dans certaines conditions, il est difficile d’en tirer des prédictions au niveau de l’individu. « Il y a eu de nombreuses théories tentant de localiser le gène de la violence, sur le chromosome Y en particulier, continue le Dr Bonierbale, mais les courants actuels montrent que s’il peut y avoir des prédispositions ce sont les interactions avec le milieu qui jouent un rôle non négligeable. »

Tout au long de l’après-midi se sont succédé des spécialistes et des thérapeutes travaillant auprès d’auteurs de violences sexuelles. Leur prise en charge fait souvent polémique, malgré l’éventail thérapeutique existant. « Il faut étendre les champs de la prise en charge au domaine sociétal et judiciaire, assure encore la psychiatre, et réfléchir à ce qu’apporte la sanction et à sa valeur symbolique, à la façon dont elle est mise en place. L’injonction de soin est en soi un système de protection de la société mais encore faut-il que l’auteur soit accessible au soin et qu’il en ait compris le fondement pour faire un travail personnel. »

La prochaine journée du CRIR est déjà prévue. Elle aura lieu le 2 décembre 2011 et portera sur les violences intrafamiliales.

HÉLÈNE FOXONET

Source : Le Quotidien du Médecin: 8877