Empêcher le passage à l'acte

Une hormonothérapie dans le trouble pédophile

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Publié le 07/05/2020
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Un essai clinique randomisé suédois démontre l'intérêt d'une castration par un antagoniste de l'hormone entraînant la libération de gonadotrophines (GnRH) dans le trouble pédophile.
Dans le monde, une jeune fille sur 10 et un jeune garçon sur 20 sont abusés sexuellement

Dans le monde, une jeune fille sur 10 et un jeune garçon sur 20 sont abusés sexuellement
Crédit photo : Phanie

Une castration par hormonothérapie pourrait-elle diminuer les risques de passage à l'acte des hommes souffrant d'un trouble pédophile ? C'est ce que démontre une étude du Karolinska Institutet publiée dans « Jama Psychiatry » avec le dégarelix, un antagoniste de l'hormone entraînant la libération de gonadotrophines (GnRH), utilisé  dans le traitement du cancer avancé de la prostate. 

L'essai clinique de phase 2, randomisé, en double-aveugle, dégarelix contre placebo, s'est déroulé entre mars 2016 et avril 2019 dans un centre spécialisé de l'hôpital de Karolinska (Suède). Quelque 52 hommes, âgés en moyenne de 36 ans, souffrant de trouble pédophile selon le DSM 5 et en recherche d'aide ont été recrutés sur la base du volontariat à partir de la plateforme téléphonique Preventell. Plus d'un tiers d'entre eux (35%) souffrait à l'inclusion de dépression. 

Leurs résultats à un score de risque composé de cinq domaines (trouble pédophile, préoccupations sexuelles, altération de l'autorégulation, faible empathie, et perception personnelle du risque) ont été analysés à deux et dix semaines après le traitement.  

Efficacité sur deux facteurs de risques 

Le traitement par dégarelix (deux injections sous-cutanées de 120 mg) s'est révélé efficace sur deux facteurs de risque du passage à l'acte : les obsessions sexuelles et l'attirance pour les enfants, et ceci, dès les deux premières semaines. En outre, les hommes rapportent des effets bénéfiques sur leur sexualité et une majorité souhaite poursuivre le traitement. 

En termes d'effets secondaires, des réactions au site d'injection sont rapportées. Les effets indésirables sur la santé mentale sont difficiles à attester, eu égard à la prévalence élevée de dépression à l'inclusion, constatent les auteurs, tout en faisant état d'idéations suicidaires chez deux participants du groupe sous dégarelix, l'un à l'inclusion, l'autre à 10 semaines. 

« Cette étude est une étape importante pour trouver un traitement fondé sur les preuves et d'action rapide, du trouble pédophile, commente l'auteur principal Christoffer Rahm, psychiatre et chercheur au département de neurosciences du Karolinska Institutet. Nous préparons une nouvelle étude pour analyser les effets à long terme du médicament et le comparer aux psychothérapies ». Dans le monde, environ une jeune fille sur 10 et un jeune garçon sur 20 sont abusés sexuellement par des hommes souffrant de trouble pédophile.

C. Rahm et al. JAMA Psychiatry, 29 avril 2020 doi:10.1001/jamapsychiatry.2020.0440

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin