Sortons un instant de notre domaine… Le sujet est trop brûlant pour ne pas en parler entre rhumatologues !
Brûlant parce que la pandémie Covid-19 a déjà fait plus de 1,5 million de morts à travers le monde.
Brûlant parce que les annonces médiatiques concernant les vaccins ont précédé de près de deux mois les publications scientifiques.
Brûlant parce que la course aux pourcentages d’efficacité des laboratoires pharmaceutiques était juste insupportable…
Brûlant parce qu’il est largement admis que la normalité prépandémique ne reviendra que lorsqu’une stratégie vaccinale sûre et efficace sera disponible et qu’un programme mondial de vaccination sera mis en œuvre avec succès.
Alors, oui, j’étais impatient et me voilà en partie rassuré par les premières données scientifiques d’efficacité et de tolérance de deux vaccins, que nous avons pu lire la semaine dernière dans le Lancet (1)puis le New England Journal of Medicine (2).
Un choix vaccinal déterminant
Les enjeux sont considérables et les défis à la hauteur. Le bon choix du type de vaccin, support ou vecteur, adjuvant, excipients, forme posologique, nombre de doses et voie d'administration peut avoir un impact direct non seulement sur les réponses immunitaires induites et l'efficacité résultante contre le SARS-CoV-2 et la Covid-19, mais aussi sur la logistique de fabrication, de stockage ainsi que la distribution du vaccin et la vaccination de masse. La « course au vaccin » a donc commencé très rapidement après l’expansion pandémique (3,4).
Les deux vaccins ayant fait l’objet de ces études ont tous deux pour cible la protéine Spike, glycoprotéine de surface du SARS-CoV-2 qui lui permet de pénétrer dans nos cellules. Elle est en outre l’une des cibles de notre système immunitaire face à l’infection. Le premier vaccin (ChAdOx1 nCoV-19) consiste en un vecteur adénoviral non répliquant qui contient le gène de la protéine Spike. Le second (BNT162b2) est un vaccin à ARN recouvert de nanoparticules lipidiques pour faciliter sa pénétration cellulaire et qui code pour la protéine Spike.
L’efficacité au rendez-vous
L’analyse d'efficacité primaire intermédiaire du vaccin ChAdOx1 nCoV-19, conduite chez 11 636 participants, consistait à évaluer le nombre de sujets infectés et symptomatique après vaccination, avec PCR positive, dans le groupe vaccin par comparaison à un groupe témoin (vaccin anti-méningocoque ou placebo). Pour les sujets qui ont reçu deux doses standards, l'efficacité du vaccin était de 62,1 % (IC à 95 % 41,0-75,7 ; 27 malades Covid dans le groupe vaccin contre 71 dans le groupe témoin). Chez les participants qui ont reçu une faible dose suivie d'une dose standard, l'efficacité était de 90 % (67,4-97,0 ; 3 malades Covid dans le groupe vaccin contre 30 dans le groupe témoin). À partir de 21 jours après la première dose, 10 sujets ont été hospitalisés pour Covid-19, tous dans le bras témoin, dont deux Covid-19 sévères (un décès). Des événements indésirables graves sont survenus chez 168 participants, 79 du groupe ChAdOx1 nCoV-19 et 89 du groupe témoin. Parmi ces effets, il est à noter 3 cas de myélite transverse (dont deux après le vaccin ChAdOx1 nCoV-19).
Dans l’essai avec le vaccin BNT162b2, 43 448 sujets ont reçu deux doses, à 21 jours d'intervalle, soit de BNT162b2 (21 720), soit de placebo (21 728). Des cas de Covid-19 sont apparus au moins 7 jours après la deuxième dose chez 8 sujets du groupe BNT162b2 et 162 du groupe placebo. L’efficacité du BNT162b2 sur ce critère est donc de 95 % (IC 95 %, 90,3 à 97,6). Cette efficacité vaccinale était similaire dans les différents sous-groupes (âge, sexe, ethnie, IMC, comorbidités). Des cas de Covid-19 sévère apparus après la première dose ont été observés chez 10 sujets, dont 9 chez des receveurs de placebo et 1 chez un sujet vacciné par le BNT162b2. Des effets secondaires liés au produit ont été rapportés plus fréquemment dans le groupe BNT162b2 (21 % contre 5 %). Les plus fréquents étaient bénins : douleur légère à modérée au site d'injection, fatigue et maux de tête, adénopathies. L'incidence des événements indésirables graves était faible et similaire dans les groupes vaccin et placebo.
Ces données scientifiques sont donc probantes et rassurantes. L’efficacité est au rendez-vous, avec des chiffres d’efficacité vaccinale largement comparables à ce que nous observons pour d’autres vaccins. Cela est important car les technologies utilisées pour ces vaccins sont innovantes.
La vigilance de rigueur
Dans le même esprit, il est important de s’assurer d’une bonne tolérance, ce qui semble être le cas. Même si on est un peu gêné à la lecture de ces deux articles par la description des effets secondaires sans tableau synthétique, il n’y a rien d’inattendu et aucun décès relié aux vaccins évalués. Restons vigilants, le recul est faible et seuls quelques dizaines de milliers de sujets ont été évalués…
Reste maintenant à attendre les autorisations de mise sur le marché et l’organisation logistique. Il faut que nos patients fragilisés par leurs maladies inflammatoires et par leurs traitements soient en première ligne des vaccinations et ne pas voir se renouveler les problèmes absurdes rencontrés par certains (trop jeunes… !) pour obtenir leur vaccin antigrippal… Il faut aussi de notre côté gérer nos biothérapies pour éviter d’empêcher ou atténuer excessivement la réponse vaccinale : ainsi, les mises en route de traitement par rituximab doivent être retardées pour commencer par le vaccin, quitte à utiliser un autre DMARD en attendant.
En cette fin d’année troublée, l’arrivée des vaccins contre le SARS-CoV-2 et la COVID-19 reste une excellente nouvelle pour nos patients !
[1] Voysey M et al. Safety and efficacy of the ChAdOx1 nCoV-19 vaccine (AZD1222) against SARS-CoV-2: an interim analysis of four randomised controlled trials in Brazil, South Africa, and the UK. Lancet 2020. Published Online December 8, 2020; https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)32661-1
[2] Polack FP et al. Safety and Efficacy of the BNT162b2 mRNA Covid-19 Vaccine. Published online on December 10, 2020, at NEJM.org. DOI: 10.1056/NEJMoa2034577 [3] Wang J et al. The COVID-19 vaccine race: challenges and opportunities in vaccine formulation. AAPS Pharm Sci Tech 2020; 21:225
[4] Jeyanathan M et al. Immunological considerations for COVID-19 vaccine strategies. Nature Rev Immunol 2020; 20: 615-32
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