Avec cette année une organisation logistique de qualité, 61 % d’abstracts acceptés et des communications toujours plus pertinentes, le congrès de la Société française de rhumatologie (SFR) continue de prendre de l’ampleur. « Sur les 3 244 inscrits, il y a environ 1 000 collègues étrangers venant de plus de 40 pays différents. Il s’agit du premier congrès de rhumatologie francophone et du troisième congrès international après l’EULAR et l’ACR », s’enthousiasme le Pr Philippe Gaudin (CHU de Grenoble), président de la SFR. En effet, de nombreux sujets phares ont marqué cette édition 2018.
Un nouvel inhibiteur de JAK et une mutation génétique prometteuse dans la polyarthrite rhumatoïde
Une étude de phase III a mis en évidence la supériorité de l’upadacitinib, inhibiteur de JAK, sur l’amélioration des signes et symptômes chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) non répondeurs au méthotrexate, par rapport au placebo et à l’adalimumab (1). « À côté des biothérapies et des traitements de fond synthétiques, comme le méthotrexate, on a la place pour cette troisième classe thérapeutique, qui devrait prochainement s’agrandir avec l’arrivée de l’upadacitinib et du filgotinib sur le marché. On commence à avoir des données consistantes sur l’intérêt et la sécurité d’emploi des inhibiteurs de JAK et le ciblage des patients à traiter. Dans les cinq ans à venir, le paysage thérapeutique des rhumatismes inflammatoires chroniques va beaucoup changer. Ces traitements per os vont probablement prendre de plus en plus de place, du fait de leur facilité d’utilisation et des différentes posologies disponibles », commente le Pr Gaudin.
D’autre part, une étude, également présentée en plénière au congrès de l’ACR, a révélé l’association entre le variant rs35705950 du promoteur MUC5B et la pneumopathie interstitielle diffuse associée à la PR (2). « On atteint dans cet essai un degré de significativité qui laisse peu de chance au doute, et, même en l’absence de cohorte de réplication, il y a de très grande chance que cette mutation soit confirmée. Un test génétique simple, ciblé sur la mutation de ce seul gène, sera-t-il bientôt disponible pour ces patients ? C’est très probable… », selon le spécialiste.
Enfin, le rôle pathogène des anticorps antiprotéines citrullinées (ACPA) dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) a été abordé en conférence d’actualité. En raison d’une glycosylation anormale, ces ACPA seraient impliqués dans la perte osseuse et l’apparition d’arthralgies (3). Les défauts de glycosylation pourraient donc devenir un biomarqueur de l’activité de la maladie, ouvrant la perspective de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Orthèse et injections de corticoïdes dans la gonarthrose
Les traitements non pharmacologiques étaient à l’honneur dans l’arthrose. En effet, l’activité physique serait associée à une meilleure évolution de la maladie et un mieux-être des patients. D’autre part, le port d’une orthèse de type genouillère articulée sur mesure diminue significativement les symptômes de la gonarthrose fémoro-tibiale interne par rapport à une prise en charge habituelle, et améliore la qualité de vie des patients (4).
Toujours dans la gonarthrose, un essai avait montré que l’injection répétée tous les trois mois pendant deux ans de corticoïdes pouvait léser le cartilage et aboutir à une diminution de son épaisseur. Une étude a donc été réalisée sur la cohorte nationale Khoala, composée de 878 patients, pour évaluer en condition de vie réelle le risque de pose de prothèse totale du genou (PTG), avec et sans infiltrations (5). Elle a démontré que les infiltrations de corticostéroïdes n’augmentent pas ce risque à 5 ans. Quant aux infiltrations d’acide hyaluronique, une réduction non significative du risque de PTG était constatée.
De la cryothérapie dans la spondyloarthrite
Plusieurs communications ont porté sur la cryothérapie corps entier, qui consiste à placer le patient dans une pièce à - 110 °C pendant 2 à 3 minutes (6). « Cette technique montre une certaine efficacité en cas de spondyloarthrite ankylosante. Les données sont cependant à confirmer, car beaucoup de patients étaient HLA B27 négatifs, sans lésions structurales, et il s’agissait souvent de femmes. On peut aussi se demander si la population était ou non fibromyalgique. Cette technique est intéressante, mais reste à évaluer dans d’autres indications, comme la douleur chronique », tempère le Pr Gaudin.
Par ailleurs, l’étude multicentrique COMESPA suggère un bénéfice à court terme d’un programme d’éducation des patients atteints de spondyloarthrite axiale, ainsi que du dépistage systématique des comorbidités par une infirmière (7).
Et dans les autres pathologies rhumatologiques ?
« Peut-on encore infiltrer la colonne vertébrale ? », telle était la question posée lors de la première conférence du congrès, qui faisait le point sur les conditions de réalisation des infiltrations rachidiennes en fonction de l’étage à infiltrer et du type de corticoïdes (8). « Les rhumatologues sont aujourd’hui désarçonnés face aux dernières recommandations sur les voies d’abord, qu’il faut utiliser avec prudence, à la baisse du nombre de produits à disposition et vis-à-vis de la restriction sur les infiltrations foraminales, à éviter au niveau cervical et lombaire », reconnaît le Pr Gaudin. De même, une conférence d’actualité a retracé la conduite à tenir devant une myosite : réflexes cliniques à adopter, examens d’imagerie à réaliser, sélection des patients pour la biopsie, et orientations thérapeutiques possibles (9).
Quant aux cascades fracturaires (correspondant à plus de trois fractures vertébrales en six mois), elles surviendraient dans environ 50 % des cas lors d’une ostéoporose secondaire (10). « Chez les patients ostéoporotiques, il s’avère intéressant d’utiliser des traitements séquentiels pour bloquer la résorption, après par exemple l’administration de médicaments stimulant l’os, afin d’éviter une aggravation des fractures en fin de traitement », fait remarquer le Pr Gaudin.
Concernant la tendinopathie calcifiante de la coiffe des rotateurs, il a été montré que l’infiltration de corticoïdes dans la bourse sous-acromiale en fin de geste de ponction-lavage-aspiration échoguidée améliore la douleur perçue par les patients. De plus, elle n’a aucun impact sur l’évolution structurale de la calcification, et ne freine donc pas la résorption (11).
« En somme, que ce soit dans le domaine de l’arthrose avec les thérapies non médicamenteuses ou dans les rhumatismes inflammatoires où les inhibiteurs de JAK viennent renforcer l’arsenal thérapeutique, les choses avancent et rendent la spécialité très dynamique, conclut le président de la SFR. Quant aux perspectives, elles se trouvent notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle, qui va révolutionner notre approche diagnostique et thérapeutique et devenir une aide importante pour les médecins. Elle a déjà pris beaucoup de place dans les analyses d’images, présageant un profond changement du métier de radiologue dans les dix prochaines années. »
D’après un entretien avec le Pr Philippe Gaudin (CHU de Grenoble), président de la Société française de rhumatologie (1) Fleischmann R. et al. Revue du rhumatisme. 2018;85(S1):A43 (P.08) (2) Juge PA. Et al, Revue du rhumatisme. 2018;85(S1):A44-45 (P.11) (3) Coutant F. Revue du rhumatisme. 2018;85(S1):A31-A36 (4) Ornetti P. et al. Revue du rhumatisme. 2018;85(S1):A87 (O.01) (5) Latourte A. et al. Revue du rhumatisme. 2018;85(S1):A41-42 (P.05) (6) Fockens E. et al. Revue du rhumatisme. 2018;85(S1):A41 (P.04B) (7) Molto A. et al. Revue du rhumatisme. 2018;85(S1):A45 (P.12A) (8) Marc Marty M. et al. Revue du rhumatisme. 2018;85(S1):A15-A21 (9) Meyer A et Sibilia J. Revue du rhumatisme. 2018;85(S1):A23-A29 (10) Che H. et al. Revue du rhumatisme. 2018;85(S1):A40 (P.03) (11) Darrieutort-Laffite C. et al. Revue du rhumatisme. 2018;85(S1):A39-A40 (P.02)
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