Les biothérapies ciblées peuvent avoir des actions spécifiques contre une cytokine inflammatoire, une cellule immunitaire ou une encore une voie de signalisation intracellulaire. Elles ont permis une amélioration majeure de la prise en charge des maladies inflammatoires, mais comportent des effets secondaires potentiellement graves, tels que des cancers et des maladies cardiovasculaires. La voie de signalisation des Janus kinase (JAK) transmet le message cellulaire de nombreuses cytokines, comme les interleukines-6 et 12 ou les interférons, mais aussi d’hormones et de facteurs de croissance. Il existe quatre JAK (1, 2, 3 et Tyk2) qui forment des dimères pour transmettre le signal cellulaire. Leur inhibition diminue l’inflammation, mais aussi de nombreuses fonctions cellulaires importantes.
Une inhibition de JAK1 et JAK3
Le tofacitinib est un inhibiteur sélectif des JAK1 et 3, avec une inhibition moins importante pour JAK2. Il est indiqué dans la polyarthrite rhumatoïde, le rhumatisme psoriasique et la rectocolite hémorragique. Il diminue, entre autres, la signalisation de l’interleukine-6 et des interférons type I et II.
Dans les études initiales de développement, le traitement par tofacitinib était associé à une élévation des dyslipidémies et des cancers. L’administration américaine des médicaments (FDA) a exigé des études prospectives de tolérance, comparant le tofacitinib aux anti-TNF, après son autorisation de mise sur le marché.
Plus de 4 000 patients inclus
L’étude de surveillance ORAL (Oral Rheumatoid Arthritis Trial) est un essai de non-infériorité, randomisé (1/1/1), multicentrique (30 pays participants), prospectif et ouvert (1). Mise en place après la commercialisation, elle évalue la tolérance et l’efficacité du tofacitinib par rapport aux anti-TNF, au cours de la polyarthrite rhumatoïde active, en échec au méthotrexate. Elle inclut 4 362 patients de plus de 50 ans, ayant au moins un risque de maladie cardiovasculaire (CV) : intoxication tabagique, diabète de type 2, dyslipidémie, hypertension artérielle (HTA), antécédent familial ou personnel de maladie CV. Parmi eux, 1 455 recevaient du tofacitinib 5 mg (deux fois par jour), 1 456 du tofacitinib 10 mg (deux fois par jour) et 1 451 un anti-TNF (adalimumab 40 mg toutes les deux semaines ou étanercept 50 mg par semaine). Ils ont été traités en moyenne pendant 40 mois et suivis pendant 5,5 ans. Les caractéristiques initiales étaient identiques.
La non-infériorité du tofacitinib dans la survenue des événements CV graves (MACE) et des cancers non-mélanome était observée si le risque de ces effets n’était pas supérieur à 1,8 pour le tofacitinib (pool des deux doses commercialisées 5 ou 10 mg deux fois par jour) par rapport aux anti-TNF.
Le critère principal de jugement est composite, comprenant les MACE (décès d’origine CV, infarctus du myocarde, angine de poitrine avec revascularisation, accident vasculaire cérébral) et les cancers non-mélanome.
Une hausse du risque d’infarctus et de cancers
Après un délai moyen de suivi de quatre ans, l’incidence des MACE dans le groupe tofacitinib (3,4 %) était supérieure à celle des anti-TNF (2,5 %). Le risque des MACE était de 1,33 (IC95 % 0,91-1,94) par rapport aux anti-TNF. La non-infériorité n’était pas démontrée car la limite supérieure de l’intervalle de confiance dépassait 1,8. L’incidence des MACE était plus importante chez des patients de plus de 65 ans par rapport à ceux de moins de 65 ans. L’événement CV le plus fréquent était les infarctus du myocarde pour le tofacitinib (2,2 % versus 0,7 %). De même, le tofacitinib augmentait le risque de cancers non-mélanome par rapport aux anti-TNF : incidence de 4,2 % versus 2,9 %, avec un risque relatif de 1,48 (IC95 % 1.01-2.09). Le cancer pulmonaire était le plus fréquent. Le risque des MACE et des cancers non-mélanome était identique entre les deux doses de tofacitinib.
Un effet sur la mortalité
Par rapport aux anti-TNF, le tofacitinib augmentait aussi le risque de décès de toutes causes, que ce soit à faible dose (RR = 1,49) ou à forte dose (RR = 2,37). Le risque d’infections sévères (RR = 1,48), de zona (RR = 3,39) et d’embolie pulmonaire (RR = 8,26) était également plus important comparé aux anti-TNF. Après deux mois de traitement, l’efficacité était comparable entre les groupes et maintenue pendant toute la durée de suivi.
Les limites de cet essai sont l’absence de données sur l’incidence des MACE et des cancers chez des patients non traités, et le design d’étude ouverte. De plus, le taux d’arrêts temporaires ou permanents était élevé, d’autant plus dans le groupe tofacitinib (48,1 % versus 39,7 %).
(1) Ytterberg S R et al. Cardiovascular and cancer risk with tofacitinib in rheumatoid arthritis. N Engl J Med 2022;386:316-26.
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