On estime que quatre personnes sur cinq souffrent au cours de leur vie de lombalgie commune, responsable en France de 30 % des arrêts de travail de plus de six mois et première cause d’exclusion du travail avant 45 ans. Une mise à jour de ses recommandations s’imposait pour repréciser la place de l’imagerie, des arrêts de travail, de la kinésithérapie et de l’activité physique.
À la distinction entre lombalgie aiguë, subaiguë ou chronique, la nouvelle définition préfère les notions de « poussées aiguës de lombalgie » ou de « lombalgie à risque de chronicité » qui s’inscrivent mieux dans l’histoire de la maladie. « Le terme de « poussée aiguë de lombalgie » permet d’englober aussi bien le premier épisode douloureux que sa récidive, ou l’apparition d’une douleur aiguë sur un fond douloureux chronique, et la notion de « lombalgie à risque de chronicisation », en présence de certains facteurs de risque permet d’aborder d’emblée la prévention des récidives et du passage à la chronicité », insiste le Dr Florian Bailly.
Ne pas se focaliser sur des lésions d’imagerie
L’imagerie n’a pas d’intérêt dans les lombalgies aiguës, sauf si on suspecte une lombalgie symptomatique d’une pathologie traumatique, tumorale ou inflammatoire. Dans les lombalgies chroniques, elle n’est indiquée que si la douleur persiste depuis plus de trois mois ou quand est envisagée une chirurgie ou une injection épidurale. La radiographie standard est rarement contributive, et il est recommandé de demander une IRM ou une TDM (si l’IRM n’est pas accessible). Il n’y a pas de corrélation entre la douleur et les lésions vues à l’imagerie : si les douleurs peuvent être importantes avec une IRM normale, on retrouve inversement des discopathies radiologiques chez deux tiers des personnes de plus de 40 ans, y compris en l'absence de symptômes. Dans le premier cas, le patient pense qu’on ne le croit pas et, dans le second, les lésions visibles à l’imagerie vont renforcer son inquiétude et la peur de les aggraver en bougeant.
Repérer les facteurs de risque de chronicisation
La lombalgie aiguë évolue favorablement dans la plupart des cas, sans séquelles douloureuses, ni fragilité vertébrale. Cependant, certains éléments sont susceptibles de favoriser le passage à la chronicité et doivent inciter rapidement à une prise en charge plus active : l’intensité de la douleur lors de l’épisode aigu, l’importance du retentissement fonctionnel, la survenue de récidives et l’expérience d’autres pathologies douloureuses.
Parmi les facteurs de risque, le contexte psychosocial joue un rôle pronostique important, ce qui ne doit pas pour autant faire étiqueter la lombalgie comme « psychosomatique ». Ainsi, la lombalgie peut être attribuée aux activités professionnelles et plus largement à l’insatisfaction dans le travail, l’impression d’être en mauvaise santé, la peur de bouger et l’évitement des mouvements, la crainte d’une évolution défavorable, les troubles anxieux et/ou dépressifs.
Remettre en mouvement
La poursuite ou la reprise des mouvements du quotidien, puis des activités physiques, a fait ses preuves. Il n’existe pas de contre-indication, même en cas de scoliose, de spondylolisthésis ou de lomboradiculalgies. Seul le postopératoire immédiat, avec mise en place de matériel, incite à une certaine prudence. « Il est nécessaire de rassurer le patient sur la solidité de son dos même s’il est douloureux. C’est là que les antalgiques, qui n’ont pas d’impact sur le long cours, se montrent bénéfiques », explique le rhumatologue. La kinésithérapie est intéressante dans la lombalgie chronique ou devant des éléments favorisant la chronicité, à condition d’être active afin de rassurer la personne sur ses capacités à se mouvoir. La participation du patient est indispensable, la kinésithérapie passive ne devant pas être pratiquée isolément.
Aucune activité physique n’est contre-indiquée, certaines étant toutefois plus difficiles à reprendre progressivement, aucune n’est à privilégier non plus. La difficulté étant de maintenir la motivation au long cours, la meilleure activité est celle que le patient poursuivra !
Une lombalgie persistante ou dont la prise en charge paraît complexe bénéficiera de l’avis d’un rhumatologue ou d’un médecin spécialisé en médecine physique et de réadaptation. Ce qui n’est pas vraiment la tendance en France. Parmi les personnes en arrêt de travail depuis plus de 6 mois, une sur deux consultera un chirurgien dans l’année (alors que les indications chirurgicales sont rares) et seulement une sur trois un rhumatologue ou un médecin rééducateur. Il pourra s’avérer nécessaire d’évaluer, en coordination avec le médecin du travail, les difficultés liées au travail et les solutions à envisager pour faciliter sa reprise.
D’après un entretien avec le Dr Florian Bailly, rhumatologue au centre d’évaluation et de traitement de la douleur (La Pitié-Salpêtrière) et chargé de projet pour les recommandations HAS sur la lombalgie commune (www.hassante.fr).
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