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Inflammation, la piste de la régulation transcriptionnelle

Publié le 28/02/2025
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La régulation de l’inflammation passe, entre autres, par le contrôle de la transcription des gènes codant pour les médiateurs inflammatoires et anti-inflammatoires, avec un mécanisme de pause transcriptionnel. Des travaux récents suggèrent que cette étape pourrait être modulée pharmacologiquement, via notamment l’inhibition de la kinase CDK7, favorisant ainsi une réponse transcriptionnelle anti-inflammatoire.

Crédit photo : Phanie

La réaction inflammatoire est une réaction de défense permettant à l’organisme de lutter contre une agression infectieuse ou stérile. Bien régulée, elle est bénéfique, limite l’agression et répare les lésions tissulaires. En revanche, son dysfonctionnement et sa chronicisation sont responsables de destruction tissulaire et de perte de fonction des organes atteints. Sa régulation implique de nombreux mécanismes dont la régulation de l’expression des gènes codant pour les médiateurs inflammatoires et anti-inflammatoires.

La transcription des gènes est assurée par l’ARN polymérase II et se déroule en 3 étapes : initiation, élongation et terminaison. Les facteurs généraux de la transcription dont TFIIH qui contient la kinase 7 dépendante des cyclines (CKD7) régulent l’initiation de la transcription en permettant à l’ARN polymérase II de se lier au promoteur des gènes cibles. Après l’initiation de la transcription, l’ARN polymérase II s’arrête environ 100 nucléotides en aval du site d’initiation de la transcription (SIT), empêchant une nouvelle initiation de transcription. La régulation de cette pause de transcription est une étape clé de régulation de l’expression des gènes inductibles. Elle dépend de nombreux facteurs tels que NELF (Negative elongation factor complex) dont l’activité dépend de la kinase CDK7. L’activation de CDK7 favorise la pause de l’ARN polymérase II alors que celle de CDK9 favorise la reprise (et donc la fin de la pause) de la transcription.

Une équipe américaine a cherché à préciser le rôle exact de cette étape du contrôle transcriptionnel de l’inflammation et dans quelle mesure elle pouvait être modulée pharmacologiquement. Leur travail vient d’être publié dans Science translational medicine *.

Deux inhibiteurs de CKD7 expérimentés

Dans les premières expériences, les auteurs de ce travail montrent que les macrophages dérivés de la moelle osseuse (BMDM) des souris dont le gène NELF a été invalidé dans la lignée myéloïde augmentaient l’expression de gènes anti-inflammatoires après une stimulation par du lipopolysaccharide (LPS) bactérien. In vivo dans le modèle d’arthrite par transfert de sérum K/BxN, ces souris développaient des arthrites moins sévères par rapport aux souris sauvages.
Les auteurs ont ensuite utilisé une approche pharmacologique utilisant deux inhibiteurs de CKD7 : THZ1 et YKL-5-124. Comme la délétion génétique de NELF, ces deux inhibiteurs de CDK7 réduisaient l’expression des gènes inflammatoires induits par le LPS tout en augmentant celle des gènes anti-inflammatoires. De plus, l’inhibition de CDK7 par YKL-5-124 permettait de modifier le programme transcriptomique vers un phénotype anti-inflammatoire des macrophages humains qui ont été stimulés 24 heures avant par du TNF ou de l’interféron γ. In vivo, l’inhibition de CDK7 diminuait les lésions articulaires dans les modèles d’inflammation aiguë (transfert de sérum K/BxN) et chronique (souris transgène pour le TNF humain). Enfin, dans les modèles ex-vivo, les synoviocytes isolés des explants de membrane synoviale de polyarthrite rhumatoïde traités par les inhibiteurs de CDK7 avaient une réduction de l’expression des gènes inflammatoires et une augmentation de celle des gènes anti-inflammatoires.

Reprogrammation cellulaire

Ces résultats montrent que l’inhibition de CDK7, sur plusieurs types cellulaires (macrophages humains, murins et synoviocytes humains), permet une reprogrammation cellulaire vers un phénotype anti-inflammatoire en favorisant l’expression de gènes anti-inflammatoires tout en réprimant celle des gènes inflammatoires. Cette reprogrammation de la transcription des gènes s’observe rapidement après l’inhibition de CKD7 même si celle-ci se déroule après une stimulation inflammatoire.

Ces données ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques pour les maladies inflammatoires. De plus, un inhibiteur de CDK7, le samuraciclib, est actuellement testé dans les études de phase I chez des patients avec pathologies tumorales. Le traitement semble bien toléré.

* Disrupting the RNA polymerase II transcription cycle through CKD7 inhibition ameliorates inflammatory arthritis. Chen X et al. Science Trans Med 2025.

Pr Hang Korng Ea, hôpital Lariboisière, Paris

Source : lequotidiendumedecin.fr