Alors que des séances d’ostéopathie sont couramment proposées aux patients souffrant de lombalgie commune, l’essai randomisé contrôlé LC-OSTEO questionne la pertinence clinique de cette approche. Parue dans le « JAMA Internal Medicine », l’étude a permis d’évaluer l’intérêt de manipulations ostéopathiques par rapport à des manipulations placebo. Ce travail s’inscrit dans une démarche globale de l’AP-HP d’évaluation des médecines complémentaires.
« Nous avons besoin d’évaluer les thérapeutiques alternatives et complémentaires, indique au « Quotidien » la Dr Christelle Nguyen du service de rééducation et de réadaptation de l’appareil locomoteur et des pathologies de l’hôpital Cochin (AP-HP), première auteure de l’étude. Il faut s’astreindre à conduire des études cliniques avec la même rigueur scientifique que pour les médicaments, avec une méthodologie adaptée à ces interventions, afin de proposer des résultats interprétables ».
Un comparateur « light touch »
D’après elle, près d’un tiers des personnes qui ont mal au dos a recours à l’ostéopathie pratiquée par des ostéopathes exclusifs (non professionnels de santé), d’où l’intérêt d’évaluer cette approche. « Jusqu’à présent, les études ne permettaient pas de conclure quant à un effet spécifique de l’ostéopathie, en raison de la difficulté à choisir un comparateur crédible dans le groupe contrôle », précise-t-elle.
Au total, 400 patients ont été inclus et randomisés (1:1) pour bénéficier soit des manipulations ostéopathiques soit des manipulations placebo, à hauteur de six séances dispensées par des ostéopathes exclusifs (soit une séance toutes les deux semaines pendant trois mois), en complément de leur prise en charge habituelle (médicaments, kinésithérapie…).
« Le comparateur reproduit certaines des composantes d’une séance d’ostéopathie, sans la manipulation ostéopathique. Nous avons choisi dans l’étude un comparateur dit "light touch", avec un contact léger, explique la Dr Nguyen. La durée des séances était identique entre les deux groupes, tout comme l’attitude verbale et non verbale des ostéopathes ».
Une variation faible du score entre les deux groupes
Les patients, d’âge médian à l’inclusion 49,8 ans, ont été recrutés par l’AP-HP et suivis entre le 17 février 2014 et le 23 octobre 2017. Ils souffraient d’un épisode de lombalgie commune (non spécifique) subaiguë ou chronique, d’une durée moyenne de 7,5 mois.
L’évolution de la limitation des activités de la vie quotidienne liée à la lombalgie à trois mois (critère principal) a été évaluée à l’aide du score Quebec Back Pain Disability Index (QBPDI ; un score de 0 point signifiant l’absence d’impact de la lombalgie et un score de 100 points un impact maximal).
À trois mois, la réduction moyenne du score était de -4,7 points dans le groupe des patients pris en charge par ostéopathie (passant de 31,5 à l’inclusion à 25,3) et de -1,3 point dans le groupe placebo (passant de 27,2 à 26,1), soit une différence significative entre les deux groupes de 3,4 points ([IC à 95 %, -6,0 à -0,7], p = 0,01).
« On constate une amélioration numérique, mais la variation du score est très faible et n’est vraisemblablement pas cliniquement pertinente, détaille la Dr Nguyen. Ce qui veut dire que les patients ne perçoivent pas forcément la différence sur leur vie quotidienne quand le score varie si peu ».
Pas de risque associé à l’ostéopathie
Concernant les critères secondaires à trois mois et à 12 mois, le recours à l’ostéopathie n’a pas permis de réduire la douleur, la durée des arrêts maladie et la consommation d’analgésiques et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, ni d’améliorer la qualité de vie.
« Dans la lombalgie, il faut donc suivre les recommandations actuelles : ce qui a le meilleur niveau de preuve, ce sont en priorité des traitements actifs, avec une activité physique adaptée et des exercices, rappelle la Dr Nguyen. Les thérapies passives, comme l’ostéopathie, n’ont pas d’effets spécifiques sur les douleurs chroniques des patients ».
Par ailleurs, l’étude n’a pas mis en évidence de risque associé aux manipulations ostéopathiques. Des effets secondaires graves ont été signalés dans les deux groupes (quatre dans le groupe ostéopathie et huit dans le placebo), sans qu’aucun n’ait été relié aux manipulations.
« À la lueur des résultats de cette étude, les effets escomptés des manipulations ostéopathiques sont très faibles et vraisemblablement peu perceptibles, mais cela ne veut pas pour autant dire qu’à l’échelle individuelle, il ne peut y avoir de grandes variations », souligne la Dr Nguyen.
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