Les fractures ostéoporotiques concernent chaque année plus de 340 000 personnes de plus de 50 ans en France. Cependant, plus de 75 % n’ont jamais eu de dépistage ou de traitement anti-ostéoporotique (1).
Ces chiffres alarmants ont été récemment confirmés par l’étude Fractos, menée sur 356 895 patients hospitalisés pour fractures ostéoporotiques sévères (60 % de la hanche) entre 2009 et 2014 (2). Seuls 16,7 % avaient reçu au moins un traitement anti-ostéoporotique au décours de leur hospitalisation et 6,1 % en ont commencé un (patients non prétraités dans les deux années précédentes). Malheureusement, ce constat dramatique est le même partout dans le monde, où on recense deux millions de fractures ostéoporotiques par an. Aux États-Unis, seulement 23 % des patients ayant eu une fracture de hanche reçoivent un traitement anti-ostéoporotique, malgré l’existence de thérapies efficaces permettant de prévenir de nouvelles fractures. « Ainsi, la prise en charge de l’ostéoporose souffre d’un désintérêt des médecins, mais aussi d’une mauvaise observance de la part des patients, qui arrêtent souvent le traitement prescrit. C’est notamment le cas avec les bisphosphonates per os : à trois ans, seul un patient sur deux continue le traitement », souligne le Dr Thomas Funck-Brentano, hôpital Lariboisière (Paris).
Mieux dépister avec l’intelligence artificielle
Afin de mieux dépister les personnes éligibles à un traitement, certaines évolutions sont attendues dans un futur proche. Par exemple, l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) à l’analyse d’une imagerie (scanner, radiographie) permettrait de mieux repérer les fractures et les densités minérales osseuses basses. Au Royaume-Uni, cela se fait déjà, et après ce repérage automatisé, davantage de patients sont orientés vers une filière fracture. « Une étude menée à l’AP-HP, a analysé 150 000 scanners couplés à l’IA, réalisés aux urgences de 40 établissements chez des sujets de plus de 60 ans. Les résultats ont montré que 25 % d’entre eux avaient une fracture vertébrale, ajoute le Dr Funck-Brentano. Ainsi, face à la crise actuelle du dépistage et du traitement, il convient de mettre en place une aide technique pour mieux identifier les patients ostéoporotiques et les diriger ensuite vers des filières de soins. Comme dans d’autres pays, celles-ci pourraient être gérées, dans le cas d’un traitement standard, par des infirmières de pratique avancée ».
Dans l’attente du romosozumab
Sur le plan thérapeutique, les mesures hygiénodiététiques sont toujours d’actualité. Une récente étude (3) a comparé deux types d’apports alimentaires (usuels ou enrichis en lait, yaourt, fromages) chez 7 195 résidents de maison de retraite. L’alimentation usuelle apportait par jour 700 mg de calcium et 58 g de protéines, alors qu’avec l’alimentation enrichie les taux étaient respectivement de 1 142 mg et 69 g. L’alimentation enrichie a permis une diminution de 27 % de tous les types de fractures, de 44 % du risque de fracture de hanche et de 11 % du risque de chutes.
Parmi les nouveaux traitements attendus, le romosozumab (anticorps antisclérostine) possède un double effet : il stimule la formation osseuse et diminue la résorption. Il s’administre en injections sous-cutanées mensuelles pendant un an. Il doit être relayé par un traitement inhibiteur de la résorption osseuse. Le romosozumab a montré son efficacité versus placebo, alendronate et tériparatide. Il est autorisé chez les femmes de moins de 75 ans ayant une ostéoporose sévère, déjà eu une fracture, mais sans antécédent de coronopathie. Malheureusement, les négociations sur le prix de ce médicament avec les agences retardent sa mise sur le marché en France, contrairement à d’autres pays limitrophes.
Le dénosumab, médicament d’exception
Depuis fin janvier, de nouvelles modalités de prise en charge s’appliquent au dénosumab dans le traitement de l’ostéoporose post-ménopausique : une ordonnance de médicament d’exception est nécessaire et la prescription initiale est réservée aux spécialistes de la prise en charge de l’ostéoporose (rhumatologue, gynécologue, gériatre, interniste). Le renouvellement reste non restreint. Les indications remboursables sont inchangées, à savoir le traitement de l’ostéoporose post-ménopausique chez les patients à risque élevé de fracture uniquement en deuxième intention, en relais d’un traitement par bisphophonates.
« Dans ce contexte, il convient donc pour le patient de consulter un spécialiste de l’ostéoporose. Il ne faut surtout pas arrêter le dénosumab sans avis, car il peut exister un effet rebond avec un risque important de fractures vertébrales multiples spontanées », rappelle le Dr Funk-Brentano.
D'après un entretien avec le Dr Thomas Funck-Brentano, hôpital Lariboisière (Paris)
(1) Cortet B et al. Fragility fractures in France ; epidemiology, characteristics and quality of life (the EPIFRACT study). Archives of Osteoporosis 2020;15:46.
(2) Roux C et al. Refracture And Mortality Following Hospitalization For Severe Osteoporotic Fractures: The Fractos Study. JBMR Plus 2021.
(3) Iuliano S et al. Effect of dietary sources of calcium and protein on hip fractures and falls in older adults in residential care : cluster randomised controlled trial. BMJ 2021; 375;n2364.
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