Les anti-JAK sont venus compléter la panoplie thérapeutique, après les anti-TNF, anti-IL-6 récepteur, anti-CD80/86, anti-CD20. Cependant, l’étude ORAL (1) retrouve un risque plus élevé de complications cardiovasculaires (CV) et de cancers sous tofacitinib, par rapport à l’étanercept ou à l’adalimumab. Certes, elle concernait des patients à haut risque CV, mais ce surrisque interroge… S’agit-il d’un effet classe ou lié seulement au tofacitinib ? Peut-il différer selon la spécificité JAK1, 2 ou 3 ou le caractère pan-JAK ? Le risque doit être évalué pour d’autres anti-JAK, mais on n’a actuellement pas de réponses. La controverse est d’autant plus vive que les recommandations les mettaient au même niveau que les autres familles de molécules, en cas d’échec du traitement de première ligne par méthotrexate (MTX).
Parmi les cohortes mises en place par la Société française de rhumatologie chez les patients recevant divers traitements, le recrutement du registre ART (anti-TNF alpha et PR) vient de se terminer, et le registre MAJIK va recenser les observations des patients sous anti-JAK. « Ces données françaises sont très attendues pour comparer la tolérance des anti-TNF alpha et des anti-JAK. En effet, l’étude ORAL présentée à l’American College of Rheumatology (ACR) était contrebalancée par les données de vraie vie issues des assurances de santé américaines, qui ne retrouvaient pas les effets délétères des anti-JAK », explique le Pr Hubert Marotte (CHU de Saint-Étienne). En pratique, la tendance est à retarder l’instauration de ces anti-JAK, a fortiori s’il existe des facteurs de risque CV. En cas de PR très active en échec à d’autres thérapies, il est cependant préférable de prescrire un anti-JAK que de laisser évoluer la pathologie ou de prescrire de la prednisone au long cours.
Association aux anti-TNF alpha
Les anti-JAK bloquent peu la voie du TNF. Cela laisserait supposer que l’association d’un anti-TNF et d’un anti-JAK soit complémentaire et puisse augmenter le pourcentage de rémission clinique, qui n’est que de 30 % en monothérapie.
Mais dans les années 2000, l’association d’un anti-IL1, l’anakinra, et de l’étanercept n’amenait qu’un bénéfice clinique modeste. Par contre, des complications infectieuses plus importantes étaient observées, suscitant la méfiance vis-à-vis de ces combinaisons. Depuis, quelques données se sont montrées plutôt rassurantes, en particulier avec les doubles anticorps anti-TNF et anti-IL17A, testés dans la spondyloarthrite et le rhumatisme psoriasique. Dans la PR, ils n’ont pas montré de gain d’efficacité vraiment net, mais pas non plus d’augmentation des effets indésirables.
On pourrait revenir sur ce dogme de la non-association, avec les résultats de l’étude CRI-RA, qui compare la combinaison adalimumab-baricitinib au baracitinib seul dans les PR réfractaires. Les inclusions de ce programme de recherche du CHU de Bordeaux sont en cours. L’effet de la bithérapie sera évalué sur le taux de rémission clinique obtenu et sur le risque de complications infectieuses.
Covid à risque : penser à l’immunothérapie passive
Actuellement trois traitements de la PR peuvent poser problème vis-à-vis du Sars-CoV-2. Les anti-JAK peuvent amener un petit surrisque, chez les patients déjà à risque de formes sévères. La corticothérapie au long cours, à forte dose, favorise les formes graves, de même que le rituximab. De plus, l’efficacité vaccinale est limitée sous rituximab et une proportion non négligeable de patients ne développe pas d’anticorps. Chez ces personnes à risque, il est possible d’instaurer une immunothérapie passive par anticorps monoclonaux anti-Sars-CoV-2, en préventif et en curatif.
D’après un entretien avec le Pr Hubert Marotte, CHU de Saint-Étienne
(1) Ytterberg SR, Cardiovascular and Cancer Risk with Tofacitinib in Rheumatoid Arthritis, N Engl J Med. 2022 Jan 27;386(4):316-26.
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