Alimentation et PR

Près de deux patients sur dix suivent un régime

Publié le 29/11/2010
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Crédit photo : S. toubon/« le quotidien »

« RÉGULIÈREMENT, en consultation, des patients nous interrogent sur l’influence de l’alimentation dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), mais avec une certaine gêne, voire avec honte », a constaté le Pr Solau-Gervais. Outre les sites Internet, de nombreux livres véhiculent, en effet, un certain nombre d’informations sur les régimes au cours de cette maladie chronique. Des informations qui ne reposent pas sur des données scientifiques fiables et incitent les patients à se soumettre à des régimes d’exclusion parfois très restrictifs avec comme corollaire un risque de carences nutritionnelles.

L’enquête réalisée dans le service de rhumatologie du CHU de Poitiers avait pour objectif de « connaître le pourcentage de patients ayant connaissance d’un régime dans la PR et combien avaient d’eux-mêmes essayé ce régime ». Le questionnaire utilisé par les investigateurs a été adressé à 150 patients vus en consultation au cours de l’année 2009. Il comportait quatre questions destinées à savoir s’ils avaient déjà entendu parler de régime dans le cadre de leur maladie et, pour ceux qui avaient suivi un régime dans ce cadre, quels aliments ils ont retiré de leur alimentation habituelle et quelle a été l’efficacité de ce régime sur la douleur, la fatigue et l’état de santé général.

Un taux de réponse élevé.

Cent douze malades ont répondu au questionnaire. Ce taux de réponse élevé (74,6 %) traduit vraisemblablement la satisfaction des malades de l’intérêt que portent les médecins à ce thème très peu, voire pas abordé lors des consultations, commente le Pr Solau-Gervais. Ces patients, surtout des femmes (n = 90), avaient un âge moyen de 63 ± 13 ans et une maladie évoluant en moyenne depuis 10 ± 14 ans. Plus de la moitié (56 %) étaient sous corticothérapie, 79 % avaient un traitement de fond et 47 % une biothérapie.

L’analyse des réponses montre que « 32 % des patients connaissent l’existence d’un régime dans la PR ». Un pourcentage surprenant, inférieur à celui que l’on pouvait attendre eu égard à celui de patients – un sur deux – qui posent la question en consultation, souligne le Pr Solau-Gervais. Cependant, si on le rapporte au nombre de cas de PR en France, il correspond à une pratique non négligeable. La majorité de ceux qui avaient connaissance d’un régime (n = 22 sur 36) citait le régime Seignalet sur lequel les rhumatologues sont très critiques du fait de l’absence d’étude ayant prouvé son intérêt.

Deux tiers le jugent efficace.

Par ailleurs, 18,75 % des patients avaient déjà essayé un régime, le plus souvent avec exclusion du lait et des céréales (n = 18 sur 21, dont 8 de type Seignalet), mais aussi sans gluten dans trois cas. La durée moyenne de suivi du régime était de 5,6 ans et, lors de l’enquête, seulement 15 patients continuaient à le suivre. En ce qui concerne les raisons de l’arrêt du régime, une notion méconnue des investigateurs est apparue : celle du motif financier, évoqué par trois des six patients qui l’ont abandonné, les trois autres l’ayant fait pour inefficacité.

Enfin, deux tiers des 21 patients qui se sont mis sous un régime (66 %) le jugeaient efficace sur la douleur et 42 % sur la fatigue. Le Pr Solau-Gervais fait remarquer que tous ces patients bénéficiaient d’une biothérapie, c’est-à-dire d’un « d’un traitement efficace adapté » et que, dans certains cas, l’efficacité supposée du régime était la conséquence de la perte de poids chez les sujets en surcharge pondérale.

Les données actuelles.

À ce jour, seuls les régimes de diète hydrique ont montré une certaine efficacité transitoire dans la PR, rappelle la rhumatologue. Mais le jeûne ne peut évidemment pas être suivi de façon prolongée et ne saurait donc être conseillé. L’exclusion alimentaire, en particulier du lait et des produits laitiers, expose les patients à un risque de carence. En outre, les régimes trop restrictifs sont difficiles à suivre pour des raisons sociales car peu compatibles avec la vie avec la famille et les proches. Il n’en reste pas moins que ce sujet qui intéresse les patients ne doit pas être occulté. Aux patients qui ont pris l’initiative d’exclure plusieurs aliments de leur alimentation et qui sont persuadés de l’efficacité de ce régime, il faut conseiller de les réintroduire un par un pour voir si un aliment particulier leur pose problème. « Nous devons avoir l’esprit suffisamment ouvert pour écouter les malades et libérer leur parole, même si nous savons qu’il n’y a pas de preuves scientifiques de l’efficacité des régimes et même le contraire », conclut le Pr Solau-Gervais.

* D’après un entretien avec le Pr Élisabeth Solau-Gervais, service de rhumatologie, CHU la Milétrie, Poitiers.

 Dr CATHERINE FABER

Source : Congrès Hebdo