Après le méthotrexate et les biothérapies, les inhibiteurs de JAK (JAKi) annoncent une nouvelle ère thérapeutique… Ils vont certainement prendre une place de plus en plus importante dans les années à venir. Ce sont des molécules de synthèse (tofacitinib, baricitinib, upadacitinib, filgotinib) qui diffèrent notamment des biothérapies par leur mécanisme d’action tout à fait nouveau.
« Les inhibiteurs de JAK agissent à l’intérieur de la cellule en bloquant la transduction du signal conduisant à la synthèse de cytokines pro-inflammatoires, de facteurs de croissance et de beaucoup d’autres composants de l’inflammation », détaille la Pr Corinne Miceli. Ainsi, ils bloquent un large panel de cytokines et de nombreuses autres molécules (IL-6, IL-12, IFNα, IFN γ, GM-CSF, IL-4…), ce qui peut expliquer leur efficacité mais aussi, par ailleurs, certains de leurs effets secondaires. « Un surrisque de zona, en particulier chez les patients d’origine asiatique, a notamment été décrit. Il peut se comprendre car en bloquant l’IFNα, le risque d’infection virale est augmenté », ajoute la Pr Miceli.
À efficacité similaire, la possibilité d’une prise orale
Les inhibiteurs de JAK ont prouvé leur efficacité après échec du méthotrexate ou après échec d’une biothérapie. D’après les études, leurs profils d’efficacité sont comparables à ceux des biothérapies (anti-TNF, abatacept, rituximab ou anti-IL6-R) dans les polyarthrites rhumatoïdes résistantes au méthotrexate. « Pour les inhibiteurs de JAK, on a globalement le même profil de réponse qu’avec les biothérapies : 60-70 % de réponse ACR 20, 50 % de réponse ACR 50 et 20-30 % de réponse ACR 70. Ils se différencient des biothérapies par leur administration sous forme orale, ce qui peut présenter un avantage pour certains patients », ajoute la Pr Corinne Miceli (1).
Un positionnement à préciser
Le positionnement dans l’arsenal thérapeutique de ces nouvelles molécules reste encore à préciser. « La place actuelle des JAKi se situe après l’échec d’un traitement de fond conventionnel (csDMARD) ou d’une biothérapie. Cependant, selon les recommandations françaises et internationales, et la connaissance des molécules, les anti-TNF restent la prescription préférentielle en première intention dans la polyarthrite rhumatoïde après échec du méthotrexate. En effet, ils bénéficient d’une longue expérience clinique, depuis plus de 20 ans, avec des données de sécurité à long terme. Mais il faut noter que les JAKi ont en général une rapidité d’action supérieure aux biothérapies et dans certaines situations cliniques, en cas de formes sévères polysynoviales, ils peuvent trouver leur place avant les biothérapies, déclare la Pr Miceli. Toutefois, nous manquons cruellement de facteurs prédictifs de réponse. Le principal défi à l’heure actuelle, et pour les années à venir, sera de définir le meilleur traitement pour chaque patient dans une démarche de médecine personnalisée ».
Le profil de tolérance des inhibiteurs de JAK semble comparable à celui des biothérapies. Ils nécessitent une surveillance hématologique, hépatique et du risque infectieux. « Il existerait un surrisque thromboembolique veineux chez des patients qui ont des antécédents de maladie thromboembolique veineuse (MTEV). Le lien direct entre MTEV et JAKi n’est pas démontré, mais les méta-analyses sur le sujet reposent sur des essais thérapeutiques qui incluent une population sélectionnée de patients sans antécédents thromboemboliques. La prudence reste donc de mise », souligne la Pr Corinne Miceli (2).
Un espoir dans de nouvelles indications
Les inhibiteurs de JAK sont aussi intéressants dans les spondyloarthrites. L’upadacitinib représente notamment un espoir dans les formes axiales de spondyloarthrites, pour lesquelles peu de solutions thérapeutiques existent à ce jour (anti-TNF, anti-IL-17).
Dans le rhumatisme psoriasique également, le tofacitinib et l’upadacitinib élargissent le panel thérapeutique actuel.
Enfin, la nouvelle voie thérapeutique ouverte par les inhibiteurs de JAK qui ciblent de nombreuses cytokines, est prometteuse pour le traitement d’autres pathologies auto-immunes ou inflammatoires. Des développements sont en cours dans les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, le lupus, le syndrome de Sjögren… Les inhibiteurs de JAK pourraient aussi être indiqués dans certaines maladies rares dépendantes de l’interféron gamma ou alpha.
(1) Smolen JS et al, Rheumatoid arthritis. Nat Rev Dis Primers. 2018 Feb 8;4:18001.
(2) Yates M et al. Venous Thromboembolism Risk With JAK Inhibitors: A Meta-Analysis. Arthritis Rheumatol. 2021 May;73(5):779-788.
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