Depuis l’avènement de bisphosphonates puissants, la tentation était grande de traiter toute maladie de Paget active, avec un remodelage osseux augmenté. De fait, dans les années 2000, l’objectif thérapeutique était de normaliser le remodelage en ayant pour cible thérapeutique la normalisation des phosphatases alcalines, marqueur simple et fiable, associé aux complications de la maladie. L’espoir était ainsi de diminuer l’incidence de celles-ci : arthropathies due à la déformation osseuse progressive des épiphyses, compressions neurologiques et troubles neurosensoriels liées à l’hypertrophie osseuse, insuffisance cardiaque à haut débit du fait d’un hyperremodelage étendu et persistant. La normalisation des marqueurs osseux était possible, le soulagement des douleurs régulièrement observé mais la prévention des complications n’avait jamais été démontrée. Un tel objectif de recherche était ambitieux d’un point de vue méthodologique : c’est ce défi qu’a relevé un groupe britannique de spécialistes de la maladie de Paget, coordonné par Stuart Ralston (Edinburgh). Les résultats finaux ont été publiés en juin dans le Journal of Bone and Mineral Research (1).
PRISM : une étude vaste et ambitieuse
L'essai « PRISM » (Paget’s disease: Randomized trial of Intensive versus Symptomatic Management) a inclus 1324 patients ayant une maladie de Paget (près de la moitié d’entre eux avec des phosphatases alcalines élevées, plus de 2/3 avec des douleurs pagétiques) répartis en 2 groupes. Dans le premier groupe (« symptomatique »), les patients étaient traités par bisphosphonate avec l’objectif de soulager les douleurs, quelle que soit l’évolution biologique ; dans le second (« intensif »), l’objectif était de normaliser et maintenir normales les phosphatases alcalines. Au terme du suivi de 3 ans, il n'y avait pas de différence entre les groupes concernant la qualité de vie, la douleur globale ou osseuse pagétique, les seuils auditifs et les recours à une chirurgie orthopédique pour arthroplastie (2).
Cette étude avait fait l’objet de critiques sur la population (pagétiques dans l’ensemble peu sévères) et surtout sur la nature du traitement (bisphosphonates oraux). Une extension a donc été conduite sur 4 ans en traitant par perfusions d’acide zolédronique – avec la même philosophie d’objectif thérapeutique – tous les patients acceptant de poursuivre, soit 232 dans le bras « symptomatique » et 270 dans le bras « intensif ». Au terme du suivi de 7 ans, les données de cette extension (« PRISM-EZ ») sont comparables à celles de PRISM : pas de différence dans les mesures de la qualité de vie ou de la douleur osseuse. Le traitement intensif était associé à une augmentation non significative du risque de fracture, des procédures orthopédiques et des événements indésirables graves.
Réserver les biphosphonates en cas de douleurs osseuses
On peut conclure qu'un traitement intensif par bisphosphonate à long terme de la maladie de Paget ne confère aucun avantage clinique par rapport au traitement symptomatique de la douleur pagétique.
Cette étude invite donc les rhumatologues à réserver les indications de traitement par bisphosphonate (notamment perfusions d’acide zolédronique) chez les patients pagétiques souffrant de douleurs osseuses avec un résultat souvent excellent et très prolongé, comme encore montré dans un article récent [3], permettant un espacement important des perfusions.
(1) Tan A et al. Long-Term Randomized Trial of Intensive Versus Symptomatic Management in Paget's Disease of Bone: The PRISM-EZ Study. J Bone Miner Res 2017;32:1165-73.
(2) Langston AL et al. Randomized trial of intensive bisphosphonate treatment versus symptomatic management in Paget's disease of bone. J Bone Miner Res 2010;25:20-31.
(3) Cundy T et al. Durability of Response to Zoledronate Treatment and Competing Mortality in Paget's Disease of Bone. J Bone Miner Res 2017;32:753-6.
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