Il était une fois une petite dame très menue de 92 ans venue consulter aux urgences pour douleurs du genou droit depuis 2 jours et nausées-vomissements depuis la veille. Rien de particulier dans les antécédents, hormis le fait que sa très petite corpulence (indice de masse corporelle de 14,2 kg/m2) ne l’a pas empêché de mettre au monde 5 enfants par voie naturelle. Elle n’a jamais eu d’intervention chirurgicale abdominale.
La patiente semble être bien gênée par son genou, puisqu’elle le plie souvent pendant l’examen pour atténuer la douleur. C’est ce qui met la puce à l’oreille des examinateurs, car malgré le diagnostic d’arthrose posé radiographiquement par l’orthopédiste vu il y a 2 jours, il n’y a pas de gonflement ni de sensibilité articulaire du genou. La situation est toute autre pour l’abdomen, qui est distendu et douloureux à la palpation appuyée. Le toucher rectal retrouve une petite masse extraluminale à droite.
L’arroseur arrosé ou le canal obturateur obturé
La clef de l’énigme repose sur le TDM abdominal. Tout s’explique par la mise en évidence d’une petite masse liquidienne entre le muscle obturateur externe et le muscle pectiné, qui est en réalité une hernie intestinale dans le canal obturateur droit.
Une laparoscopie est entreprise immédiatement pour la réduire et libérer le segment intestinal. Juste à temps, et aucune résection n’est nécessaire. Le trou, de la taille d’un doigt, est comblé par un filet. La patiente se rétablit très vite et totalement. Au rendez-vous de suivi, 1 an plus tard, les examinateurs ne retrouvent pas le moindre signe en faveur d’une récidive. La patiente ne se plaint plus de douleur du genou.
Un nerf qui parle
Ce cas clinique publié dans le Lancet illustre qu’une douleur d’apparence rhumatologique peut être d’origine viscérale. La hernie obturatrice est un événement rare, au cours duquel le phénomène de strangulation contraint souvent à réaliser une résection en urgence. Elle est favorisée par une grande laxité du plancher pelvien et un canal obturateur large, c’est pourquoi elle survient presque exclusivement chez des femmes âgées, multipares et maigres, plus fréquemment à droite, en raison de l’effet barrière du côlon sigmoïde à gauche.
Près d’un tiers des patientes présentent des épisodes récurrents avec rémission spontanée. Parfois, la hernie obturatrice s’accompagne de signe pathognomonique en rapport avec la compression du nerf obturateur : le signe de Howship-Romberg (douleur du milieu de cuisse, exacerbée à l’extension, l’abduction et la rotation interne, et soulagée à la flexion) et le signe de Hannington-Kiff (absence du réflexe d’adduction de la cuisse). Deux écueils diagnostiques sont fréquents : le syndrome douloureux abdominal peut masquer la neuropathie obturatrice et les douleurs du genou être considérées à tort d’origine arthrosique chez un sujet âgé.
The Lancet le 11 juillet 2014
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