A la radiographie, une image condensante du tibia gauche de la jeune patiente est découverte (figure 1A et 1B).
Son père, chercheur, consulte sur internet et, ayant lu un article sur la "Dysplasie fibreuse des os", se pose et me pose la question de ce diagnostic et de la conduite à tenir. Je lui réponds que l’aspect de la lésion, sa localisation et l’âge de sa fille évoquent plutôt une dysplasie ostéofibreuse...

Dysplasie fibreuse des os ou ostéofibrodysplasie ?
Une IRM complète les investigations d’imagerie, avec séquences pondérées T1, T2 et T1 après injection de contraste. La lésion diaphysaire du tiers moyen du tibia gauche, polylobée, apparait sous la forme de plusieurs lacunes excentrées, partiellement intra-corticales, et s’étendant sur environ 5,5 cm de hauteur, sans rupture corticale. La lésion est en iso signal T1 et ne se rehausse pas après injection de gadolinium. Il n’y a pas d’œdème des parties molles adjacentes mais un œdème osseux métaphysaire tibial gauche proximal antérieur.
Il n’est pas fait de scanner mais une biopsie après l’avis d’un chirurgien orthopédiste pédiatrique. Cette biopsie confirme le diagnostic d'ostéofibrodysplasie : un des fragments a porté sur un os cortical bordé d'une prolifération fusocellulaire englobant quelques travées osseuses bordées d'un liseré ostéoblastique. Les cellules fusiformes sont non atypiques, sans mitose visible. On observe également quelques éléments inflammatoires chroniques et cellules géantes multinucléées.
En immunohistochimie, la prolifération fusocellulaire prend un marquage assez diffus avec SATB2. Il existe aussi quelques rares cellules éparses marquées par la pankératine dans cette zone de prolifération fusocellulaire.
Le diagnostic retenu est donc finalement celui d’une ostéofibrodysplasie.
Une lésion osseuse bénigne
Malgré la parenté orthographique, cette lésion osseuse n’a rien à voir avec la dysplasie fibreuse des os mais en est un diagnostic différentiel assez classique dans la situation décrite.
Décrite pour la première fois en tant qu'entité clinique autonome par M. Campanacci en 1976, l’ostéofibrodysplasie des os longs à évolution régressive, ou dysplasie ostéofibreuse, est une lésion osseuse bénigne (1).
Elle survient habituellement chez l'enfant âgé de moins de 10 ans (85% des cas) et touche la corticale antérieure de la mi-diaphyse du tibia (92% des cas). La lésion est caractérisée par une ostéolyse excentrée intracorticale, pouvant s'accompagner d'une petite déformation tibiale en crosse antérieure ou antéro-latérale de la diaphyse (2).
L'examen histologique montre une prolifération de tissu fibreux englobant un réseau de fines travées osseuses, bordées d'ostéoblastes actifs. L'immunohistochimie retrouve, dans 90 % des cas, des anticorps anticytokératine. Ce phénomène a permis à certains auteurs de souligner la parenté de la dysplasie ostéofibreuse avec l'adamantinome (3). La pathogénie de l'ostéofibrodysplasie et son diagnostic différentiel avec l'adamantinome font l'objet d'un grand nombre de discussions (4).
Intervenir que sur les formes agressives
L’évolution comporte une phase de progression lente dans les 10 premières années de la vie puis se stabilise vers l’âge de 15 ans et, en règle générale régresse après la puberté, lorsque la croissance osseuse est achevée. Si elle est présente, la crosse tibiale régresse aussi progressivement. Si elle est traitée chirurgicalement avant l'âge de 10 ans, le taux de récidive est très élevé, justifiant une attitude de simple surveillance. Une intervention chirurgicale n'est indiquée qu’en cas d’ostéofibrodysplasie localement très agressive ou d'importantes déformations voire de fragilisation risquant d'aboutir à une fracture pathologique.
Cette lésion a été rapprochée par certains de l’adamantinome, mais ceci reste contesté (4). Cela doit être envisagé en cas de progression après la puberté.
Centre Viggo Petersen, hôpital Lariboisière, Paris.
1. Campanacci M, Laus M. Osteofibrous dysplasia of the tibia and fibula. J Bone Joint Surg Am 1981; 63: 367-75
2. Laredo JD, Genah I, Vanel D, Larousserie F. Dysplasie ostéo-fibreuse et adamantinome. In Laredo et al. (eds), Imagerie rhumatologie et orthopédique, Sauramps médical, vol. 4 : pp 2909-18
3. Hazelbag HM, Taminiau AH, Fleuren GJ, Hogendoorn PC. Adamantinoma of the long bones. A clinicopathological study of thirty-two patients with emphasis on histological subtype, precursor lesion, and biological behavior. J Bone Joint Surg Am 1994; 76: 1482-99
4. Park YK, Unni KK, McLeod RA, Pritchard DJ. Osteofibrous dysplasia: clinicopathologic study of 80 cases. Hum Pathol 1993; 24: 1339-47
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