La fibromyalgie

Une maladie humorale ?

Publié le 27/09/2021

Les patients souffrant de fibromyalgie ont une sensibilité nociceptive accrue (hyperalgésie et allodynie) à la pression, au toucher et au froid. Il en résulte des douleurs chroniques associées à une fatigue, des troubles du sommeil et de multiples symptômes fonctionnels. Mais comment les expliquer ?

Crédit photo : phanie

De nombreux mécanismes physiologiques ont été proposés : défaut d’intégration centrale (cérébrale et médullaire) et périphérique du signal nociceptif, activation anormale et spontanée des nocicepteurs, hypersensibilisation des petites fibres, ou encore production anarchique de cytokines inflammatoires telles que les interleukines (IL) 1, 6 et 8. 

De mystérieux anticorps en cause

Selon le travail de Goebel Andreas et al., la fibromyalgie serait due à la présence d’anticorps, encore non identifiés, dirigés contre les cellules satellites gliales (1). Ces cellules enveloppent les corps cellulaires des nerfs sensitifs, localisés dans les ganglions spinaux. Des études antérieures avaient suggéré qu’une activation de ces cellules pouvait générer un message nociceptif. L’équipe de chercheurs a donc injecté à des souris les immunoglobulines G (IgG) provenant soit de patients fibromyalgiques, soit de volontaires sains (1). Les souris (mâles et femelles) ont toutes développé, 24 à 48 heures après les injections d’IgG de patients fibromyalgiques, une hypersensibilité à la pression et au froid. Elles avaient aussi une modification de leur comportement avec une réduction de l’activité motrice et une diminution de la force de préhension, probablement à cause des douleurs. L’injection d’IgG de volontaires sains, ou de sérums de patients fibromyalgiques déplétés en IgG, ne provoquait pas d’hypersensibilité. Les modifications disparaissaient avec le temps, en raison probablement de l’élimination des IgG. Ex vivo, les nerfs cutanés isolés des souris traitées par les IgG fibromyalgiques avaient un seuil de réponse plus bas que ceux isolés des souris traitées par des IgG sains. Ces résultats montraient que l’hypersensibilité nociceptive était d’origine périphérique (sans contrôle médullaire ni cérébral). 

Vers une nouvelle piste thérapeutique

Des études d’immunomarquage ont révélé que les IgG étaient localisées au niveau des cellules satellites gliales des ganglions spinaux. Elles n’étaient détectées ni dans la moelle, ni dans le cerveau. Les cellules satellites gliales qui avaient un marquage des IgG étaient plus activées que les cellules non marquées. Cette activation était spécifique de ces cellules. Elle n’était observée ni dans les astrocytes, ni dans la microglie de la moelle. Enfin, ces IgG fibromyalgiques reconnaissent les cellules satellites gliales des ganglions spinaux chez l’Homme. In vitro, les IgG fibromyalgiques n’induisaient pas la production de cytokines inflammatoires (IL-1, -6 et -8). L’analyse protéomique des cellules satellites gliales par les IgG n’a pas identifié de marqueurs spécifiques. Les auteurs suggèrent que « les IgG de patients fibromyalgiques provoquent une hypersensibilité douloureuse en sensibilisant les nerfs nociceptifs périphériques afférents et que la réduction de ces IgG pourrait être efficace chez ces patients ».

Cette étude ouvre des perspectives intéressantes en termes de compréhension physiopathologique et de pistes thérapeutiques. Des travaux de confirmation de l’origine auto-immune de la fibromyalgie sont nécessaires. En particulier, l’identification des antigènes responsables constituera une étape cruciale.

Goebel Andreas et al. Passive transfer of fibromyalgia symptoms from patients to mice. J Clin Invest 2021. 131(13):e144201

Pr Hang Korng Ea, Hôpital Lariboisière (Paris)

Source : lequotidiendumedecin.fr