L’actualisation des recommandations vaccinales par l’EULAR en 2019 est l’occasion de rappeler l’importance de la vaccination, en particulier chez les patients atteints de rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC) et maladies auto-immunes (MAI) sous immunosuppresseurs [1]. En effet, ces patients ont un surcroit d'infections du fait d’une diminution des défenses immunitaires attribuées à la maladie sous-jacente, aux comorbidités et aux traitements (dérivés cortisoniques et traitements de fond conventionnels et biologiques).
Sensibiliser à la vaccination en rhumatologie
La vaccination reste largement sous utilisée dans le milieu médical en général, par la communauté rhumatologique en particulier, notamment du fait de préoccupations relatives à l'efficacité, à l'immunogénicité et à la sécurité des vaccins chez ces patients. Le constat est que la vaccination est efficace chez les patients atteints de RIC : réduction du nombre de séjours hospitaliers, des passages aux urgences et du taux d’infections sévères. Il est donc indispensable de sensibiliser davantage le monde de la rhumatologie à la vaccination.
La méthode est conforme à toutes les recommandations de l’EULAR avec une analyse systématique de la littérature, un comité de pilotage et un groupe de travail. Chaque recommandation a été discutée au sein du groupe au cours de 2 réunions de présentation des analyses systématiques de la littérature et la formulation a été modifiée jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé entre les membres.
6 principes généraux à appliquer
Le statut vaccinal doit être évalué annuellement par le rhumatologue. Le programme vaccinal personnalisé doit être expliqué au patient par le rhumatologue et les décisions prises conjointement entre le médecin généraliste, le rhumatologue et le patient. La vaccination des patients atteints de maladies autoimmunes devrait être administrée en phase quiescente. Les vaccins doivent être administrés de préférence avant l’immunosuppression, en particulier pour les traitements appauvrissant les cellules B (rituximab). Les vaccins inactivés [2] peuvent être administrés aux patients atteints de maladies autoimmunes durant le traitement par glucocorticoïdes et DMARD’s. Les vaccins vivants [3] doivent être considérés avec précaution chez ces patients.
9 recommandations à suivre
Les recommandations vaccinales spécifiques concernant les patients atteints de maladies auto-immunes sont les suivantes :
Envisager la vaccination antigrippale dans la majorité des cas
S’il apparaît peu utile de vacciner de principe un jeune patient atteint de spondylarthrite ankylosante sous AINS seuls par exemple, pour la majorité de la population atteinte de MAI, en particulier sous immunosuppresseurs, la vaccination antigrippale est vivement recommandée.
Penser à la vaccination antipneumococcique, fortement recommandée chez les patients à risque d’infection pneumococcique
Le risque d’infection pulmonaire est particulièrement élevé. La polyarthrite rhumatoïde (PR) et le lupus érythémateux systémique (LES) sont notamment à risque. L’administration du vaccin 13 valences, suivi 8 semaines plus tard par le vaccin 23 valences, confère une couverture à vie. Ce schéma est à privilégier.
Administrer le vaccin antitétanique conformément aux recommandations destinées à la population générale et envisager une immunisation passive chez les patients traités par rituximab
Bien que l’on ne dispose d’aucune donnée concernant l’efficacité du vaccin antitétanique sous un traitement ciblant les lymphocytes B, l’efficacité est supposée diminuée dans cette situation sur la base de l’extrapolation des données disponibles pour les autres vaccins. Par conséquent, une immunisation passive par immunoglobulines antitétaniques doit être envisagée en cas d’exposition au tétanos.
Vacciner contre l’hépatite A et B les patients à risque, avec une immunisation de rappel ou passive dans certaines situations
Les patients séronégatifs pour le virus de l’hépatite B ou A voyageant ou résidant dans des pays endémiques, le personnel médical, les contacts familiaux, les partenaires sexuels, les homosexuels masculins, les toxicomanes intraveineux sont considérés comme à risque.
Envisager la vaccination contre le virus herpès zona chez les patients à haut risque sous certaines conditions
Le vaccin contre le zona (Zostavax) est indiqué chez les patients à risque de plus de 50 ans, mais il s’agit d’un vaccin vivant atténué à prescrire avec précaution chez les patients sous immunosuppresseur en raison du risque infectieux. Il doit être administré au moins 2 semaines (4 semaines idéalement) avant le début du traitement.
L’arrivée d’un nouveau vaccin inactivé (Shingrix) est attendue en France début 2020. Ce dernier serait plus efficace que le Zostavax chez les personnes âgées.
Éviter le vaccin contre la fièvre jaune en raison du risque infectieux
Le vaccin de rappel a été administré à 17 patients brésiliens atteints de PR sous Infliximab et à 31 patients atteints de MAI sous DMARD’s biologiques pour certains, sans complication au décours et avec une bonne immunogénécité. Cependant, ces données ne peuvent être extrapolées aux personnes immunodéprimées recevant le vaccin contre la fièvre jaune pour la première fois. Par conséquent, la suspension du traitement immunosuppresseur pour permettre une vaccination sans danger peut être envisagée en cas de nécessité. La durée de suspension dépendra de la pharmacocinétique de chaque agent.
Recourir au vaccin contre le papillomavirus (HPV), en particulier chez les patientes lupiques, conformément aux recommandations destinées à la population générale
Les patientes lupiques sont particulièrement à risque d’infection HPV. Des rapports de cas sur l’apparition de MAI après la vaccination contre l’HPV ont suscité des inquiétudes. Les études ont systématiquement montré que le vaccin quadrivalent contre l’HPV n’était pas associé à une incidence accrue de MAI chez les femmes ayant une MAI préexistante.
Encourager les membres immunocompétents de la famille des patients atteints de MAI à recevoir les vaccins conformément aux directives nationales à l’exception du vaccin antipoliomyélique oral
À noter que le contact avec des personnes développant des lésions cutanées après un vaccin contre la varicelle ou le zona doit être évité.
Éviter les vaccins vivants atténués pendant les 6 premiers mois de vie chez les nouveau-nés de mères traitées par agents biologiques à partir de la seconde moitié de la grossesse
Les agents biologiques traversent le placenta, hormis le certolizumab. Ils restent détectables dans le sang jusqu’à 6 mois après la naissance. Il n’y a pas de données publiées concernant l’administration de vaccins vivants chez les nouveau-nés de mère exposées au certolizumab pendant la grossesse.
Ainsi, la vaccination reste le meilleur moyen d’éviter des complications infectieuses potentiellement graves chez les patients adultes atteints de RIC et de MAI. Des recommandations séparées (mais réalisées au sein d’un groupe de travail commun) ont été élaborées pour les enfants. Une bonne connaissance des recommandations vaccinales contribue à une meilleure prise en charge de ces patients.
[1] Furer V, Rondaan C et al. 2019 update of EULAR recommendations for vaccination in adult patients with autoimmune inflammatory rheumatic diseases. Ann Rheum Dis. 2019 Aug 14. pii: annrheumdis-2019-215882. doi: 10.1136/annrheumdis-2019-215882. [Epub ahead of print]
[2] diphtérie, tétanos, polio, hépatites A&B, pneumocoque, méningocoque, Haemophilus influenza B, papillomavirus
[3] rougeole, oreillons, Polio orale, fièvre typhoïde orale, varicelle-zona, fièvre jaune
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