Entre octobre 2016 et juin 2017, 417 patients (dont 94 % de femmes) directement concernés par l’ostéoporose ont répondu sur le site de l’Association française de lutte antirhumatismale (AFLAR) à la première grande enquête nationale cherchant à identifier les attentes et les besoins liés à la prise en charge de l’ostéoporose. Si 94 % des patients participants à cette enquête étaient des femmes, cela s’explique par la forte prévalence de la maladie chez celles-ci. « 4,1 millions de femmes âgées de plus de 50 ans auront au moins une fracture ostéoporotique », précise le Pr Bernard Cortet, président du Groupe de recherche et d’informations sur les ostéoporoses (GRIO).
Une pathologie sous-estimée et méconnue
Si 55 % des patients ayant répondu reconnaissent qu’il s’agit d’une maladie grave, encore 27 % estiment que ce n’est pas le cas. Cependant, ces patients déclarent parallèlement que l’ostéoporose impacte à 44 % leurs activités physiques et à 54 % leur moral. De plus, 50 % d’entre eux avouent être concernés personnellement par une perte de taille excédant 3 cm. Ce paradoxe en dit long : « La maladie est complètement banalisée. Trois centimètres perdus c’est tout sauf anodin, mais dans l’esprit des patients, cela n’est pas associé à un problème sérieux. Or quand on sait - et il est à noter que 70 % des répondants nous ont indiqué le savoir - que ces centimètres perdus sont le fait de fractures vertébrales silencieuses, on peut prendre la mesure du problème », commente Françoise Alliot-Launois, responsable du pôle Ile-de-France et vice-présidente de l’AFLAR.
L’enquête met également en évidence le rôle clé des médecins généralistes (MG) et la nécessité d’une meilleure information sur la pathologie auprès de ces professionnels. En effet, 32 % des patients révèlent avoir été diagnostiqués par leur généraliste (27 % par un rhumatologue) et 68 % que c’est le médecin qu’ils ont le plus consulté depuis un an. Si les généralistes sont en première ligne, ils ne semblent pas pour autant très à l’aise par rapport à la maladie et son environnement. Selon une autre enquête menée auprès d’une centaine de MG, 34 % trouvent délicat le moment du dépistage, 56 % méconnaissent les médicaments anti-ostéoporotiques et 54 % confessent un problème de motivation des patients face au traitement médicamenteux. Conscients de cette problématique, 64 % des MG souhaiteraient une meilleure information professionnelle sur la maladie et 84 % sur les traitements à leur disposition. « D’ailleurs, la Société française de rhumatologie (SFR) et le GRIO ont travaillé sur une actualisation des recommandations du traitement de l’ostéoporose post-ménopausique, dont la parution est attendue d’ici la fin de l’année », révèle le Pr Cortet.
Un fardeau économique de 4,8 milliards
Si selon la Caisse nationale de l’Assurance-maladie (1) le coût de l’ostéoporose s’élevait en France en 2013 à 1,1 milliard d’euros (770 millions dus aux hospitalisations en services de médecine chirurgie obstétrique et 340 millions à l’accueil en soins de suite et de réadaptation), ce montant atteindrait en réalité 4,8 milliards d’euros en intégrant les placements en établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD) et la valorisation monétaire des pertes en qualité de vie dues aux fractures. À l’horizon 2025, en prenant en compte le vieillissement de la population (1/3 des personnes ≥ 60 ans), le nombre de fractures atteindrait 491 000 entraînant ainsi une hausse de 26 % des coûts (2). « À partir de ce constat, l’ostéoporose s’impose comme une réalité qui nécessite la mise en place d’un plan de santé publique pour améliorer la qualité des soins », ajoute le Pr Robert Launois, président de la Société française d’économie de la santé.
7 propositions concrètes
De novembre 2016 à juin 2017, des États généraux se sont tenus dans 10 villes de France afin d’identifier les besoins et établir une stratégie d’action concrète. À l’issue des débats (associant professionnels de santé, représentants institutionnels, économistes et patients experts), 7 priorités clés ont été dégagées. Elles sont orientées sur la diffusion de campagnes de sensibilisation « De l’ostéoporose à la fracture : changer de paradigme » et le développement de stratégies de prévention primaire et secondaire des fractures de fragilité. « Au niveau du dépistage, l’idée est de promouvoir la réalisation plus systématique de densitométrie minérale osseuse, explique le Pr Cortet. Il faut également refonder le parcours de soins et nous inspirer du Royaume-Uni concernant la création de services de liaison fracturaire ou de filières fractures », ajoute-t-il. Les propositions mettent également en avant la nécessité de promouvoir des mesures incitatives pour les médecins généralistes, un plan de recherche public privé médico-économiques, la prévention des chutes et le maintien à domicile des personnes à risque de fracture ostéoporotiques. Enfin, la création d’un registre national des fractures de l’ostéoporose est évoquée.
Un livre blanc, reprenant le travail réalisé lors des États généraux et les mesures prioritaires identifiées, a été rédigé. Présenté au Sénat le 17 octobre, l’objectif est également de le porter à la connaissance de différentes instances : Direction générale de la santé (DGS), Direction générale de l’offre de soins (DGOS), Secrétaire d’État aux personnes âgées… À l’initiative de l’AFLAR, l’alliance nationale contre l’ostéoporose (regroupant de nombreuses associations et sociétés savantes concernées : GRIO, SFR, ordres des kinésithérapeutes, pédicures-podologues, gériatres…) cherche ainsi à promouvoir la mise en place d’un plan de santé publique pour la prévention de l’ostéoporose.
D’après la conférence de presse de l’AFLAR, le 17 octobre 2017
(1) Étude de la CNAMTS « Charges et Produits » en 2016
(2) Svedbom A et al. Osteoporosis in the European Union : a compendium of country-specific reports. Arch Osteoporos2013;8:137 (p. 67/218). Disponible sur http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/ PMC3880492/) ou sur le site de l’AFALR http:// www.aflar.org/lesfractures-osteoporotiques
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